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Coupe du monde - Kitzbühel - Cyprien Sarrazin, pourquoi la vitesse était son destin

Mis à jour 22/01/2024 à 17:41 GMT+1

Cyprien Sarrazin était un géantiste avant de s'imposer comme l'un des cadors de la vitesse depuis le début de la saison. Le Français, qui a encore pris une autre dimension dans un week-end de folie à Kitzbühel, a suivi les conseils de ses entraîneurs pour tenter ce pari. Pour Eurosport, ils sont revenus sur cette transition qui a révélé tout le talent du Tricolore.

Sarrazin sur son nouveau statut en vitesse

Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Et pourtant, cela semblait écrit depuis le début. Cyprien Sarrazin est né pour aller vite. C'est ce qui transpire de son hiver éblouissant, confirmé par son incroyable doublé ce week-end à Kitzbühel. Le Français s'affirme course après course comme une référence mondiale de la vitesse, alors qu'il était essentiellement considéré comme un géantiste jusqu'à l'entame de la saison passée. Le phénomène peut sembler délicat à expliquer. Il ne l'est pas tant que ça. C'est un destin que son style et son talent appelaient. Et que ses coaches ont su favoriser.
Il faut rembobiner un peu pour comprendre les liens de ce mariage. Et revenir à la préparation de la Coupe du monde 2021-222. Jusque-là, Sarrazin s'alignait surtout sur les épreuves de slalom géant. Mais il s'était déjà distingué en vitesse sur les championnats de France en 2016 et 2017. "'Cyp' a toujours fait de la vitesse, explique Kevin Page, responsable du groupe technique de l'équipe de France. Il avait mis l'accent sur le géant parce que c'était sa discipline forte, parce qu'il revenait fort. Mais dès qu'il pouvait, il allait faire des Coupes d'Europe, notamment en super-G. Il n'a jamais vraiment lâché la vitesse."
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Sarrazin, la rockstar ! Son chef-d'œuvre sur la Streif en vidéo

Le staff de l'équipe de France tente un coup à l'aube de la saison 2021-22. Il décide de créer des passerelles pour Sarrazin entre le groupe technique et le groupe vitesse pour lui permettre de développer ses qualités en descente et en super-G. "En discutant avec Cyprien, on s'est dit qu'avec les qualités physiques qu'il avait en super-G ça pouvait être sympa, raconte Yannick Bertrand, coach du groupe vitesse des Bleus. David (Chastan, responsable de la vitesse à l'époque, NDLR) l'a un peu poussé dans ce sens-là et comme lui il a une super belle base technique de géant et qu'il n'a peur de rien, on s'est dit que ça serait une belle idée."

"Les bons géantistes acceptent la vitesse"

Les premières impressions sont venues le confirmer. "Il s'est mis à faire du super-G à l'entraînement et puis en course, se souvient Yannick Bertrand. On a vu qu'il y avait un énorme potentiel. Du super-G, on s'est dit qu'il devait aussi essayer la descente. Pour tout bon skieur, le géant c'est la base. Même si les descendeurs font peu de course en géant, on s'entraîne beaucoup dans cette discipline parce qu'il faut une base technique solide, et de plus en plus parce que l'évolution des tracés le demande. Ça tourne de plus en plus, les courbes sont de plus en plus importantes. Il y 20-30 ans, les descentes étaient plus dans l'axe."
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Sarrazin a volé sur la Streif : sa descente en vidéo

Sarrazin y a trouvé son compte. Sur certains aspects, passer du géant à la vitesse était trop bénéfique pour qu'il n'y prenne pas goût. "C'était très facile à accepter pour lui parce que ça a tout de suite marché, témoigne Yannick Bertrand. Il galérait en Coupe du monde de géant parce qu'il a des soucis physiques, il avait mal au genou quand ça tapait beaucoup. Dans l'autre sens en super-G en descente, ça faisait moins mal. C'est devenu assez clair. Mais il garde l'envie de s'entraîner avec le groupe géant, il en a besoin."
Si Sarrazin se montre aussi brillant dans les disciplines de vitesse, c'est en effet beaucoup à son expérience de géantiste qu'il le doit. Et à des prédispositions naturelles. Prendre des risques pour aller vite, il a ça dans le sang depuis toujours. Et pas seulement sur des skis. "Les bons géantistes acceptent la vitesse, s'ils n'ont pas peur de prendre certains risques, ça fait des supers descendeurs, explique Yannick Bertrand. Il faut pouvoir accepter la vitesse, il l'a acceptée tout de suite. Il l'a acceptée depuis tout petit en faisant du VTT de descente. Je ne l'ai jamais vu mais on m'a toujours dit que c'était un client. Casse-cou, technique, il prend des risques. Il ose aller vite."

"Un truc qui lui amène un certain équilibre"

L'aligner sur les épreuves de vitesse, cela revenait quasiment à lâcher les chevaux dans le cas de Sarrazin. Le défi majeur pour ses coaches a été de canaliser la bête. "On a essayé de poser son ski, d'avoir un ski plus calme, reconnaît Yannick Bertrand. Il a tellement de patate, de puissance que parfois il ne se rend pas compte, il pousse dans les courbes, il pousse ses virages à l'extrême et il s'envole. L'année dernière il est quand même tombé un nombre de fois impressionnant. On lui a demandé d'en garder sous le pied à l'entraînement, il s'est aperçu qu'en skiant juste et calmement, qu'en posant son ski, avec les qualités qu'il a, ça allait déjà très vite."
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"Pas trop mal ça je crois !", la descente supersonique de la gagne pour Sarrazin

L'idée était de placer le curseur au bon endroit. De le bonifier sans le dénaturer. Sarrazin a joué le jeu et a trouvé cette maturité qui lui faisait défaut au moment d'exploiter pleinement son talent. "C'est un skieur d'instinct, estime Kevin Page. Par moments, ça lui a joué des tours. Aujourd'hui j'ai l'impression que c'est complètement naturel, comme si la descente était une révélation et que c'était fait pour sa façon de faire, de skier, de se comporter. Il a trouvé un truc qui lui amène un certain équilibre et qui le libère totalement quand il pratique cette discipline. Il a trouvé de manière naturelle quelque chose qui lui correspond parfaitement."
De là à rivaliser avec les géants de la vitesse, il restait quand même un sacré pas à franchir. Sarrazin avait des prédispositions et son bagage technique de géantiste, mais il pouvait lui manquer la maîtrise des pistes qu'il ne connaissait pas en descente comme en super-G. Il l'a acquise avec une rapidité bluffante. "Souvent il faut un an ou deux pour appréhender les pistes, ils ont besoin d'avoir une bonne connaissance du terrain, de la poste, de la neige, énumère Kevin Page. Il était plus rapide que tout le monde, c'est que sa deuxième saison en descente. Il a déjà gagné. Ça ne s'est pas souvent vu."

"Dans la genèse de la transition"

Sarrazin est différent. Au-delà de ses victoires éclatantes sur la descente de Bormio et le super-G de Wengen, c'est la régularité dont il fait preuve cet hiver qui en est le symbole le plus marquant compte tenu de son expérience limitée en vitesse. "On est sur un apprentissage accéléré, résume Kevin Page. On a vu un Odermatt qui s'est adapté de manière phénoménale. 'Cyp' a 29 ans, 30 bientôt. Il est sur sa deuxième saison de vitesse, c'est très peu et il a déjà un niveau incroyable". "Odermatt a dit à Bormio qu'il avait fait l'un des meilleurs runs de sa carrière, il s'est fait battre, ajoute Yannick Bertrand. Il a halluciné."
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Sarrazin nous a fait vibrer : "C'est féérique, c'est magique !"

Le plus terrifiant, c'est justement de le voir dans le gotha aussi vite. Car le processus de son passage de la technique à la vitesse est loin d'être achevé. Avec tous les risques que cela implique. "On est dans la genèse de la transition, avance Yannick Bertrand. On est au début, il n'a pas beaucoup de kilomètres en descente, il n'a pas beaucoup d'expérience. Plein de choses vont lui arriver. Pour l'instant tout se passe très bien et très vite mais voilà. Il a une grande expérience de la course, il a déjà eu des blessures, plein de choses."
Autant de moments, parfois très délicats, qui ont forgé Sarrazin. Ceux qui l'ont tiré vers le fond par le passé, et qui peuvent lui permettre de viser les sommets désormais. "L'année dernière on se disait que, sur un malentendu, il était capable d'en gagner une ce con, confie Kevin Page. Si les planètes s'alignent, il fait un gros coup. Là cette année dans la préparation, c'est d'ailleurs quelque chose dont on a discuté quand on était en stage en Norvège. On lui a dit 'tu vas faire une grosse carrière en vitesse, tu n'es qu'au début'. Les coaches, on est complètement convaincu depuis un moment qu'il va gagner donc ce n'est pas une surprise." Plutôt la première récompense d'un choix bien senti. Vu comment c'est parti, le meilleur est peut-être encore à venir.
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