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ATP Rio : Contraint à l'abandon, Carlos Alcaraz connaît la première vraie période de doute de sa carrière

Maxime Battistella

Mis à jour 21/02/2024 à 13:03 GMT+1

Alors qu'il avait choisi de faire la tournée sud-américaine sur terre battue pour regagner des tournois, Carlos Alcaraz a échoué en demi-finale à Buenos Aires avant de ne disputer que deux jeux à Rio où il a été contraint à l'abandon. Le Murcien vit la première vraie crise de croissance de sa carrière, une période certes difficile à vivre mais un passage obligé sans doute salutaire.

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Cette fois, tout était réuni pour qu'il retrouve ses marques. Privé de la présence de son coach Juan Carlos Ferrero lors de l'Open d'Australie où il avait été sorti sans ménagement en quart de finale par Alexander Zverev, Carlos Alcaraz avait bien son mentor à ses côtés en Amérique du Sud. De même qu'une équipe au complet, ses physios, son préparateur physique, son agent, son frère Alvaro et son père.
Mais rien n'y a fait. Non seulement, le prodige murcien n'a pas conservé son titre à Buenos Aires, où il a été sorti en demi-finale par Nicolas Jarry, mais il a vu son aventure se terminer presque avant même de commencer à Rio où il s'est tordu la cheville après deux points et a abandonné après deux jeux dans la nuit de mardi à mercredi.
C'est le dernier épisode de ce qu'il faut bien appeler une période creuse, la première véritable dans la jeune carrière de "Carlitos" qui nous avait (mal) habitués à l'exceptionnel. Depuis une finale d'anthologie perdue à Cincinnati face à Novak Djokovic en août dernier, il vit ce que l'on peut désormais appeler une crise de croissance, lui qui n'avait jusqu'ici subi que de mini-reculs suivis de grands bonds en avant.
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Trop solide, Jarry s'offre Alcaraz et rejoint la finale : sa victoire en vidéo

Une première véritable crise de croissance

Comme à l'été 2022 quand il avait raté son début de tournée américaine, avouant quelques difficultés à apprivoiser son nouveau statut de star… avant d'aller chercher l'US Open et de devenir le plus jeune numéro 1 de l'histoire du jeu dans la foulée. Ou comme au printemps 2023 quand il avait été mangé par le stress en demi-finale de Roland-Garros face au "Djoker", avant de le faire tomber en cinq sets fantastiques dans son jardin de Wimbledon un mois plus tard. Comme le "Big 3", Alcaraz a ainsi montré très tôt qu'il était capable d'évoluer dans une autre dimension que celle du reste du circuit.
A 20 ans, il a en quelque sorte déjà banalisé l'extraordinaire. Tant et si bien que le voir gagner un Masters 1000 relève d'une sorte de normalité. Alors un ATP 250 à Buenos Aires ou un ATP 500 à Rio où le plateau était modeste pour ainsi dire, c'était une évidence. Peut-être que lui-même avait fini par le penser un peu. En conférence de presse d'avant-tournoi au Brésil, il avait avoué implicitement que des tournois de ce standing l'intéressaient moins que les Jeux Olympiques à venir. Quand on a gagné autant à un si jeune âge, quoi de plus compréhensible.

Entre efficacité et spectacularité, un équilibre à trouver

Mais tout champion extraordinaire qu'il soit, Alcaraz n'en est pas moins un être humain avec ses failles. Et il en a peut-être oublié quelques fondamentaux. "N'oublions pas que Djokovic a gagné son premier Grand Chelem en 2008 et le deuxième en 2011, observe ainsi notre consultant Arnaud Di Pasquale. Est-ce qu'il n'est pas humain d'avoir besoin d'installer son tennis pour pouvoir le reproduire ? Et pour y arriver, il faut gagner en sérénité. Son fond de jeu pour le moment, c'est quand même de mettre des cartouches !"
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Le spectacle avant l'efficacité, c'est peut-être une des données fondamentales du problème que doit résoudre en ce moment le jeune Espagnol. Tous les observateurs, y compris ses collègues dont Daniil Medvedev, qui en a parlé récemment dans un entretien accordé à Eurosport, ont été tellement subjugués par sa capacité à produire des coups extraordinaires qu'il s'en est peut-être retrouvé piégé en quelque sorte. Comme condamné à produire constamment des "highlights", et à force, d'en perdre le fil conducteur de ses parties. Cette manière de jouer fonctionne face à la plupart de la concurrence, tant Alcaraz a déjà de la marge, moins face à ses principaux rivaux, plus aguerris tactiquement.
Le défi qui l'attend consiste peut-être d'abord à revenir à l'essentiel, c'est-à-dire à la manière de construire les points, sans toutefois renier sa nature profonde, son panache. "Parfois, il va falloir qu'il accepte un peu plus l'échange, de construire et de moins s'engager, se jeter presque dans la balle, pour éviter de faire trop d'erreurs. Mais il lui faudra trouver un équilibre, parce son jeu, ce n'est pas d'être attentiste : il est dans l'agressivité, dans la percussion, il va vers l'avant. Sinon, on en fait un autre joueur", fait encore remarquer Arnaud Di Pasquale.

Le piège des standards du "Big 3"

Très tôt, Alcaraz a eu le "Big 3" dans le viseur. Il confessait d'ailleurs à Buenos Aires son ambition d'essayer "de se rapprocher" des standards fixés par Novak Djokovic, Rafael Nadal et Roger Federer. L'écueil de ce genre de modèles presque inatteignables se situe dans l'obligation de la gagne. Le Suisse, qui fut d'ailleurs l'idole de jeunesse du Murcien, avait avoué avoir créé un monstre qui n'avait pas le droit de perdre. Il avait alors déjà 12 titres du Grand Chelem à son palmarès. Exiger la même chose d'un jeune homme de 20 ans - âge auquel Federer n'avait d'ailleurs pas encore le moindre Majeur au compteur - n'a tout simplement aucun sens.
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Alors qu'il pointait du doigt une faille au service dans le jeu de l'Espagnol dans son podcast "Served", l'ex-champion américain Andy Roddick s'est d'ailleurs empressé de relativiser. "Toute critique sur Carlos Alcaraz, on la fait avec les yeux grands ouverts, bien conscient que ce qu'il fait est extraordinaire. J'ai essayé toute ma vie de gagner un deuxième titre en Grand Chelem sans y parvenir. Ce type l'a fait sur sa période d'essai. Ce genre d'observation, je la fais par respect pour lui", a-t-il insisté.
Habitué à apprendre à vitesse grand V, à évacuer très vite le doute, Alcaraz traverse sa première grande zone de turbulences. Il n'a plus joué une finale sur le circuit depuis six mois et pourrait rapidement céder sa place de dauphin de Djokovic (qui va rester n°1 jusqu'à début avril) à Jannik Sinner, sur lequel il ne compte plus que 500 points d'avance alors qu'il devra défendre son titre à Indian Wells. Mais laisser l'Italien, appelé à devenir l'un de ses rivaux majeurs pendant de nombreuses années, prendre le feu des projecteurs quelque temps n'est peut-être pas la pire nouvelle qui soit. Car il n'y a rien de mieux que l'ombre, même relative, pour reposer des fondations solides. Et une fois l'orage passé, il ne serait pas étonnant de le voir ressurgir, plus fort que jamais.
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Carlos Alcaraz, blessé à la cheville à Rio de Janeiro

Crédit: Getty Images

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