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Roland-Garros 2024 | Gilles Simon : "Daniil Medvedev m'engueule ? Si ça marche comme ça pour lui, allons-y !"

Maxime Battistella

Mis à jour 23/05/2024 à 10:19 GMT+2

Second coach de Daniil Medvedev, Gilles Simon l'accompagnera à Roland-Garros. Il participera aussi à un événement sur le court Suzanne-Lenglen le 6 juin prochain, la "WildCard Battle", co-organisé par BNP Paribas, qui mettra en scène des fans de tennis sur Twitch. Dans ce cadre, il nous a accordé un grand entretien balayant les chances françaises, sa relation avec son joueur et Rafael Nadal.

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Il a beau avoir pris sa retraite depuis un an et demi, Gilles Simon est resté proche du tennis. D'abord en passant son diplôme d'entraîneur, puis en y associant son autre passion, les jeux vidéo. Après avoir découvert l'univers Twitch l'an dernier, l'ex-champion français s'est associé à un nouvel événement co-organisé par le streamer Domingo et BNP Paribas et soutenu par la FFT : la "WildCard Battle". Le 6 juin prochain à 20h, sur le court Suzanne-Lenglen, des fans de tennis s'affronteront devant près de 6000 spectateurs.
"Quand j'ai arrêté la première année, je suis beaucoup allé dans des clubs pour faire la promotion de mon sport à tous les niveaux. Dans ce type d'événements, on est vraiment sur des gens qu'on n'aurait jamais eus à Roland. Il s'agissait de réunir deux mondes que j'aime bien", nous a expliqué l'ex-numéro 6 mondial. Puis, il nous a offert sa vision de l'édition 2024 de Roland-Garros à venir qu'il vivra au côté de Daniil Medvedev, son protégé depuis quelques mois.
Selon vous, que peut-on espérer des Français ? Du mieux par rapport aux dernières années ?
Gilles Simon : Ces dernières années, déjà, on n'avait pas de joueurs têtes de série. Et là, on va en avoir trois, ce qui veut dire potentiellement des tableaux plus ouverts. On a aussi toujours une belle densité de joueurs, on en a beaucoup dans le tableau. Comme les Grands Chelems sont plus ouverts qu'avant, pour moi, il y aura toujours un frémissement. Dans chaque Majeur, on voit un joueur traverser le tableau et il n'a jamais été français, mais je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas. Ce n'est pas comme dans notre génération où tu savais qu'en quarts, tu prenais un des quatre monstres. Il y a moins de murs dans le tableau. Le niveau moyen de nos joueurs s'améliore, et je m'attends toujours à une bonne surprise.
Même si sur terre battue, c'est plus compliqué, non ? Mis à part le quart de finale d'Ugo Humbert à Monte-Carlo…
G. S. : Ce qui est sûr, c'est que nos deux joueurs les mieux classés (Ugo Humbert et Adrian Mannarino, NDLR) sont meilleurs sur surfaces rapides. Pour eux, c'est beaucoup plus intéressant d'être têtes de série à Wimbledon, parce qu'ici, ils peuvent être en danger contre plus de joueurs. "Manna", on connaît ses statistiques sur terre… Ugo, on sait qu'il peut bien jouer sur cette surface mais il sera plus vulnérable. Mais s'il joue bien, il peut être dangereux parce qu'il l'a déjà montré. Ensuite, il y a Arthur (Fils) qui est plus à l'aise sur terre, qui n'avait pas beaucoup gagné jusqu'à présent mais qui gagne un tournoi (le Challenger de Bordeaux, NDLR) au très bon moment. Ces 5 victoires font du bien à la confiance et font de lui une tête de série, c'est très important. D'autres jouent pas mal mais ne seront pas protégés, faudra voir le tableau, le facteur chance augmente considérablement.
Fils a envie d'être Top 10 ? C'est normal, il faut rêver grand
Justement, Arthur Fils est un joueur qui assume ses ambitions, il veut être Top 10 et le dit. Dans votre livre "Ce sport qui rend fou", vous disiez que c'était un problème dans le tennis français, est-ce que vous constatez une évolution ?
G. S. : Je pense que ça évolue parce que de plus en plus de personnes se disent qu'on n'a pas gagné depuis très longtemps et commencent à comprendre que ce qu'on faisait ne marche pas. Ce n'est pas parce que j'ai envie d'être Top 10 que je le serai demain. Je peux avoir l'objectif d'être Top 10 tout en sachant que j'ai un niveau de Top 50 et que je n'y suis pas encore. C'est juste normal. Il a 19 ans, il va en avoir 20, il est rentré dans le Top 100 à 18 ans l'an dernier et il a gagné son premier tournoi ATP. Évidemment qu'il a envie d'être Top 10 et c'est un minimum ! Et à mon avis, il dit Top 10 parce qu'il a toujours cette crainte : "Si je dis numéro 2 ou 1…" C'est normal. Ce serait même inquiétant s'il disait qu'il voulait rester là, ça n'aurait aucun sens. Évidemment qu'il a envie d'être plus fort. Il faut être capable de l'assumer, parce que si on ne le fait pas, ce sera encore plus dur à montrer sur le terrain. C'est la partie "facile", mais ce n'est pas si facile. A un moment donné, il faut rêver grand.
Le fait que la victoire de Noah soit si éloignée désormais permet-il aux jeunes de s'en détacher ?
G. S. : C'est sûr. A un moment donné, on est entraîné dans un certain discours qui revient en permanence et tu continues à faire les comptes. La première fois que j'ai joué Roland, on me disait : "Ah ça fait 20 ans qu'un Français n'a pas gagné…" Bon, maintenant ça fait 40. Le temps passe et montre les limites d'un raisonnement. On peut penser qu'on n'a pas de chance au début, mais à un moment, si on n'a pas de joueurs solidement installés dans le Top 10, ce n'est peut-être pas un hasard. C'est bien de le remettre en cause, parce que si on fait la même chose, on finit au même endroit.
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Pour revenir à Roland-Garros, est-ce le tournoi le plus ouvert depuis des années ?
G. S. : Nous, on donnait la coupe à Rafa avant le tournoi ! Donc c'est forcément plus ouvert. Novak fermait bien les choses aussi, sinon. Il y a des très bons joueurs de terre qu'on ne peut pas sous-estimer surtout sur des formats en cinq sets, les Casper Ruud, les Tsitsipas. Ce n'est pas un hasard s'ils se sont retrouvés en finale à Monte-Carlo. Dès qu'ils mettent le pied sur cette surface, ils sont là. Sur deux sets, ils peuvent perdre des matches, mais sur cinq, ils seront chiants. C'est ouvert mais ça dépend pour quoi. Pour faire un résultat ? Pour gagner le tournoi ? C'est plus ouvert que les autres années parce que les meilleurs arrivent avec plus d'incertitudes. Mais ça restera dense, et certaines des grosses têtes de série seront dures à sortir une fois qu'elles auront gagné 3-4 matches.
Daniil sera dangereux et... vulnérable
Quid de Daniil Medvedev que vous entraînez ? Est-ce que ce n'est pas mieux d'arriver un peu dans l'ombre pour lui ?
G. S. : On ne sait jamais dans quel état de forme sont les joueurs et je ne donnerai pas d'informations, bien sûr. Où en sont Sinner et Alcaraz par exemple ? Vous, en tant que commentateurs du sport, vous faites des constats en regardant les matches. Mais il y a tout un tas de choses que vous ne savez pas. Si ça se trouve, Sinner a mal nulle part et il est en chauffe totale depuis dix jours. Si ça se trouve, il a mal partout mais ne le montrera pas. Le contexte est super intéressant et vous ne le connaissez pas.
Comment Daniil est arrivé à Madrid, comment il est arrivé à Rome et comment il arrive à Roland, on ne peut jamais en parler. On n'a aucun intérêt à donner des informations et si on vous en donne une, on vous dira qu'il est en forme. C'est le jeu. Et c'est au joueur de faire le maximum pour être prêt. Chaque année, il arrive dans un contexte différent. L'année dernière, il gagne Rome, il fait 1er tour à Roland. Il a beaucoup perdu au 1er tour à Roland. Les deux années où il fait quart et huitième, il n'avait pas gagné à Rome avant. Il n'y a pas forcément de lien. Tout le monde sait que la terre n'est pas sa surface naturelle, mais il a un niveau assez haut pour être dur à battre même sur terre. C'est pour ça qu'il a gagné à Rome et qu'il a battu Tsitsipas et Rune qui sont de meilleurs terriens que lui. S'il est en forme, il peut les battre. Il n'y a que ça qu'il veut savoir dans l'absolu. Il se dit : "Je vais me préparer, je vais essayer d'arriver le plus en forme possible. Oui, je suis plus vulnérable que sur d'autres surfaces mais je sais que j'ai déjà gagné un Masters 1000 sur terre et on ne gagne pas un Masters 1000 sur terre en étant complètement nul." C'est ce que Gaël avait dit quand il l'a joué. Il sera dangereux et... vulnérable. On verra ce que ça donne.
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Depuis que vous l'entraînez, des choses vous ont-elles surpris ? Comment gérez-vous le fait qu'il vous engueule parfois en plein match ?
G. S. : Je ne l'ai pas découvert à ce moment-là. Je connais un peu le personnage, je sais comment il fonctionne. On travaillera cet aspect ou pas, c'est lui qui le décidera. C'est sa manière de sortir sa frustration. D'autres font autrement. J'essaie de rester dans l'idée générale de ce qu'il y a derrière. On sait bien qu'il ne s'en prend pas vraiment à la personne, mais c'est comme ça que ça sort malheureusement, parce que ce n'est pas la meilleure manière de le sortir. Mais si c'est la seule qui marche, pour l'instant allons-y comme ça. Dans ma génération, Andy Murray insultait son clan toute la journée et, je pense, au fond de lui il n'en était pas fier. Mais il disait : "Quand je ne dis rien, je ne gagne plus un match." Et comme il était là pour gagner… ça ne reflète pas du tout qui il est en dehors, et pour Daniil non plus. Je ne le prends pas du tout personnellement.
Quand on jouait le tournoi, limite on donnait la coupe à Rafa
Ce Roland mettra vraisemblablement en scène les adieux de Rafael Nadal. Que représente-t-il pour vous ?
G. S. : C'est une légende. Quand on jouait le tournoi, on avait limite envie de faire un tournoi entre nous, de donner la coupe au vainqueur, et après le vainqueur, il la donne à Rafa ! C'était ça chaque année. C'était une domination complète et totale, la plus grande qu'on ait pu voir dans notre sport, enfin sur une surface. Des statistiques ridicules à Roland (14 titres, 112 victoires - 3 défaites, NDLR)… C'est certainement un des exploits du tennis qui n'a absolument aucune chance d'être battu. Il faudrait qu'un autre joueur gagne son premier Roland à 20 ans et le répète jusqu'à ses 35 ans sans discontinuer et ça me parait impossible.
Qu'attendez-vous de ses adieux ?
G. S. : Rien. Je vais évidemment regarder son match parce que je suis un énorme fan de tennis et du joueur aussi. Mais je trouve que c'est une position qui n'est pas hyper agréable pour lui. Surtout, il fait ce qu'il veut. Il s'arrête ou pas, il prendra la décision qu'il veut et je ne juge rien. Je suis passé par là il n'y a pas très longtemps, à mon niveau. Il fera de son mieux, on le sait et on peut compter sur lui pour ça. Je n'espère qu'une seule chose, c'est qu'il sera bien avec sa décision et on verra. Si ça se trouve, il va très bien jouer ou perdre au 1er tour. J'espère aussi qu'il ne se blessera pas.
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Comment décririez-vous votre relation avec lui ?
G. S. : C'est un joueur pour lequel j'ai énormément de respect, comme beaucoup de monde. Je pense qu'il me respecte aussi pour les matches que l'on a joués où à chaque fois, j'ai essayé d'être là, en face. Je n'ai jamais baissé les bras malgré beaucoup de défaites. Il était beaucoup plus fort, il m'a arrêté dans de nombreux tournois, trop ! Surtout quand on était en forme, c'est ça le problème. On a partagé les terrains pendant 20 ans, mais on n'était pas au même niveau. Il me faisait marrer : une fois, j'avais gagné Hambourg (en 2011, NDLR), il me dit : "Bravo, tu as gagné Hambourg !" Je lui réponds : "Bah bravo pour Roland, Wim, etc." Il en avait gagné 10 ! (Rires.) Il était comme ça, assez simple. Tu gagnais un petit tournoi – qui était gros pour moi, parce que les gros tournois pour moi, c'était très dur –, il te voyait à celui d'après et il te félicitait. Lui avait gagné 3 Grands Chelems dans l'année…
Ce décalage entre ses exploits et son humilité vous a marqué…
G. S. : Il a trouvé le bon équilibre entre être humble d'un côté, et être très confiant de l'autre. Je pense qu'il a énormément confiance en lui, plus que ce qu'on ne pense. Tous les discours humbles qu'il tient par rapport à ses adversaires lui apportent cet équilibre. Il se dit : "Je peux perdre ce match mais d'un autre côté, j'ai gagné 99 % de mes matches à Roland. Donc ça peut arriver, mais je suis quand même favori mais je ne vous le dirai pas." Et nous, c'était plutôt : "Ah bon ? T'es pas favori ? Alors c'est qui ? Pour nous, c'est toi." (Rires.) Mais je pense qu'il avait compris que c'était important de ne pas tomber dans l'arrogance, parce que naturellement tout le monde lui disait qu'il allait gagner. Il se remettait perpétuellement en question.
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