Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

US Open - Caractère de cochon, dépression, ami de Medvedev : voici Andrey Rublev

Alexandre Coiquil

Mis à jour 09/09/2020 à 20:15 GMT+2

US OPEN - Opposés en quarts de finale, mercredi, Daniil Medvedev et Andrey Rublev vont se disputer une place demi-finale dans un match forcément spécial pour eux. Amis depuis 16 ans, les deux joueurs se connaissent par coeur. Pour Rublev, battre son aîné lui permettrait de franchir un nouveau cap après un début de carrière en... montagnes russes. Voici ce qu'il faut savoir sur le Moscovite.

Andrey Rublev of Russia returns a volley during his Men’s Singles fourth round match against Matteo Berrettini of Italy on Day Eight of the 2020 US Open at the USTA Billie Jean King National Tennis Center on September 7, 2020 in the Queens borough of New

Crédit: Getty Images

La Russie vous salue bien. Avec Daniil Medvedev, Karen Khachanov et Andrey Rublev, la nation de Marat Safin a retrouvé de quoi prospérer au sommet du tennis mondial masculin pendant plus d'une décennie. Mais après le temps des promesses, vient le temps des passages à l'acte. A eux trois, Medvedev-Khachanov-Rublev pèsent trois Masters 1000, une finale de Grand Chelem et 15 titres sur le circuit ATP. La période de vaches maigres qui a suivi la retraite du Tsar en 2009 est révolue. La plus grande nation du monde a de l'or entre ses mains. Trois flèches, différentes les unes des autres.
Au sommet de la pyramide, il y a évidemment Medvedev. Mieux classé que ses compères - 5e mondial - plus titré (7 titres dont deux M1000), premier à avoir joué une finale en Grand Chelem, le protégé du Français Gilles Cervara fait figure de référent de cette nouvelle génération à tout juste 24 ans. Mercredi, il affrontera le plus jeune du trio, Andrey Rublev, 22 ans, en quarts de finale de l'US Open. Les deux hommes se connaissent évidemment depuis des lustres. Cela fait seize années exactement. Si le premier est connu pour son caractère bien trempé, Rublev est lui un vrai démon, en voie de guérison. Depuis son arrivée dans le grand circuit en 2014-2015, le Moscovite, à la voix bien audible quand il frappe la balle, en a fait du chemin. Son caractère bouillant a même failli le perdre en chemin.
Après avoir pris conscience du travail qu'il devait accomplir pour réussir chez les professionnels, qui n'est pas le circuit juniors et ça il a fallu du temps pour le comprendre, Rublev a fait les bons choix. Celui de rejoindre l'académie barcelonaise (4Slam Tennis) de Galo Blanco et son coach depuis trois ans, Fernando Vicente, en avril 2016, a été déterminant pour son parcours de tennisman. Rublev était trop doué pour passé à côté, encore fallait-t-il qu'il se cadre et qu'il trouve le mentor qu'il recherchait depuis si longtemps. Le taciturne Fernando Vicente était l'homme qui lui manquait. L'ancien joueur a ciblé le principal problème de son poulain, le physique, trop frêle pour le type de jeu qu'il pratique.
Souvent blessé, notamment au poignet, le Russe n'avait pas un corps bien développé pour tenir le coup. Consolidation de sa hanche, optimisation de l'équilibre - un travail de fond réalisé avec le préparateur Joan Ozon - refonte de son jeu de jambes, travail foncier : la machine Rublev avait besoin d'une belle mise à jour. Et d'une patte espagnole pour être optimisée chaque jour par le travail. Vicente a lui insisté sur l'aspect tactique pour que Rublev fasse évoluer son tennis un peu rustre. De simple machine à frapper sans réfléchir, il est devenu une machine à frapper qui réfléchit. La relation entre les deux hommes est, elle devenue quasi fusionnelle. "Je suis très proche de tout le monde au sein de mon équipe, mais je le suis spécialement avec Fernando. Avec lui, c'est quelque chose de fou. Je n'avais eu un coach comme ça avant. On est ensemble depuis presque quatre ans et je pense que je pourrais passer tous les jours avec lui", disait-il au mois d'août aux réseaux sociaux de son académie avant la reprise de la saison.
Cette longue collaboration a porté ses fruits. La saison 2020 de Rublev parle d'ailleurs pour elle : il a gagné 19 rencontres (pour 4 défaites) et soulevé deux trophées. C'est mieux que Medvedev qui a commencé 2020 en diesel. Il jouera d'ailleurs face à son compatriote le deuxième quart de finale de sa carrière en Grand Chelem. Le premier, il l'avait aussi joué à New York lors de l'édition 2017. Le temps passe et ce tournoi semble désormais si loin. "J'espère être et surtout avoir réussi à devenir un meilleur joueur", a réagi Rublev en référence à son parcours de 2017, stoppé à l'époque par un Rafael Nadal impitoyable. "J'espère avoir un meilleur état d'esprit sur le terrain. Mais par contre, une chose est sûre, c'est que je suis meilleur physiquement, je lis également mieux le jeu. Oui, dans l'ensemble j'ai progressé depuis trois ans. Je suis vraiment content d'atteindre mon deuxième quart de finale ici à l'US Open."
picture

Malin, Rublev a rendu fou Berrettini

En 2018, passage par la case dépression

Entre New York 2017 et New York 2020, Rublev en a fait du chemin. il a aussi connu la case grosse blessure. Et celle-ci l'a marqué à jamais. Dans un entretien donné au compte instagram "Behind The Racket", tenu par l'Américain Noah Rubin, le Moscovite a reconnu être tombé en dépression à cause d'une fracture de fatigue au dos qui l'a tenu éloigné de la compétition d'avril à juillet 2018. Celui qui est un démon sur le court est alors devenu un peu plus humain.
"Vu que la blessure était située au niveau du dos, je n'étais pas autorisé à faire quoi que ce soit lors des deux premiers mois. Je n'avais jamais eu autant de temps libre dans ma vie et je ne savais pas quoi en faire", a confié le Russe. "Le sport m'a tellement manqué. La seule chose que je voulais faire était de jouer au tennis. Rien d'autre ne me rendait heureux que de jouer au tennis à l'époque. C'était clairement l'un des moments les plus durs de ma carrière. Je suis né pour ça, pour jouer, et j'en étais privé. C'est pour cela que j'ai connu des passages dépressifs."
Mis au tennis de manière indirecte par sa mère - il a vu qu'elle y jouait et a décidé d'en faire très tôt, juste après ses 1 an - le jeune Andrey, un enfant qui a toujours eu une raquette entre les mains, a fait l'épreuve des hauts et des très bas émotionnels de cette maladie. "J'essayais de ne pas suivre les résultats des tournois. Cela m'est arrivé de le faire, mais sans le vouloir. Et ça me faisait mal de voir les autres joueurs faire ce dont j'étais privé. J'étais chez moi à ne rien faire alors qu'eux puisaient au plus profond d'eux-même et devenaient de meilleurs joueurs", a poursuivi Rublev dans sa tribune.
"Je devais attendre que mon dos guérisse pour débuter ma rééducation. Des fois, je voulais juste faire un peu d'activité physique et cela me détruisait de ne pas pouvoir le faire. Quand j'ai recommencé à regarder des matches, je ressentais le même flux d'énergie que j'avais en étant en compétition. Mais c'était englouti par la tristesse que j'ai ressenti quand j'ai appris que je ne pourrais pas revenir sur un court avant un moment. Quand j'ai commencé à faire de la rééducation, j'ai commencé à tout oublier, mais ça revenait toujours. Cette épreuve m'a donné envie de revenir, plus que jamais."

"French Riviera" amère pour Rublev

Les parcours de Rublev et Medvedev se ressemblent énormément. Et plus qu'on ne le croit. Les deux hommes ont tenté le pari d'aller en France pour se construire comme joueur de tennis, loin d'une Russie guère optimisée pour l'accompagnement de ses futurs champions. Cela a marché pour Medvedev parti en 2013 à Cannes au sein de l'Elite Tennis Center de Jean-René Lisnard. Pour Rublev cela n'a pas du tout marché. En septembre 2012, ses parents l'envoient à Nice sous la coupe de Philippe Weiss, dénicheur de talents pour Nike qui l'a répéré lors d'un tournoi organisé par la marque à la virgule aux Etats-Unis.
Rublev, qui vit à Moscou, doit passer par la case exportation. "Il a énormément de tempérament. Ses parents m’ont demandé de lui "monter” un projet sur la Côte d’Azur. En terme de potentiel, pour moi, il est dans les cinq meilleurs mondiaux dans sa catégorie d’âge", disait de lui Weiss à Nice-Matin qui avait consacré un article à ce nouveau phénomène qui arpentait les courts du Nice Lawn Tennis Club, le plus célèbre club de tennis de la ville de Nice, situé dans ses hauteurs.
Au NLTC, Rublev va rencontrer un certain... Jean-René Lisnard, tout juste retraité. Le Cannois a rapidement vu le potentiel énorme du bonhomme, sa puissance dévastatrice, mais aussi son caractère de cochon. "Avec Andrey, le courant passe bien. Le projet est super-intéressant. Mais y’a du boulot : vous avez vu son attitude sur le court ? Andrey a une incroyable qualité de frappe pour son âge, à même pas 15 ans ! Je trouve qu’il a plus la 'gnac' que d’autres. C’est un diamant à l’état brut", expliquait alors un Lisnard plutôt enthousiaste.
Si les premiers jours se sont bien passés, l'aventure tournera court. Deux ans plus tard, Andrey, un peu forcé à quitter Moscou sur le moment, reviendra sur ce passage sur la Côte d'Azur après sa victoire au tournoi juniors de Roland-Garros (2014), la première pour le tennis russe depuis 1966. "On m'a envoyé à Nice pour que je m'entraîne là-bas, en ayant un coach, et tout à ma disposition. Mais c'était une situation compliquéee. On n'a pas aimé, donc on a arrêté."
On avait environ 7 ou 8 ans. Je gagnais tout le temps
Mercredi, Rublev et Medvedev vont disputer leur troisième match sur le grand circuit, le quatrième au total si on prend en compte leur première chez les grands lors d'un Challenger joué à Budapest en 2016. Il n'y a pas photo, avantage Medvedev qui mène 3-0 sans avoir perdu un seul set. Pas un bon signe pour Rublev. Et comble de l'histoire, il battait Medvedev quand ils se jouaient en étant enfants.
"On avait environ 7 ou 8 ans. Je gagnais tout le temps. Ce n'était pas forcément des vrais tournois, plus des matches entres clubs, ceux qu'ont jouent le week-end", s'est-il remémoré après sa belle victoire en 8e contre Matteo Berrettini, une délivrance mentale pour lui après son échec contre l'Italien au même stade du tournoi en 2019. "Je ne me souviens plus si on s'est rencontré chez les juniors, mais dans les matches officiels, Medvedev a tout gagné. On verra, ce sera un match intéressant."
Plus mature dans son jeu que son compatriote, le 5e mondial fait office de grand favori. Mais on entre ici dans le cadre d'une opposition entre deux hommes qui se connaissent par coeur. Elle sera forcément spéciale et le mental entrera rapidement en jeu. Et ça les deux hommes en ont à revendre. "Il a toujours été l’un des plus grands combattants que j’ai connu. Il est comme ça depuis qu’il a, je ne sais pas, 7 ans", a souligné Rublev au sujet de son ami Daniil avec qui il a tout connu, de l'enfance à Moscou aux quarts de finale de l'US Open - un Grand Chelem spécial pour tous les deux - en passant par la Coupe Davis. "Il pouvait jouer peut-être pendant des heures, jusqu’à ce qu’il gagne. On a eu pas mal de bagarres quand on était gamins."
Pour Medvedev, leur amitié a changé leur état d'esprit et font d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui. "Andrey est différent au niveau du jeu, mais il a quelque chose qui a débuté quand on était chez les juniors et qu'on partage, c'est de toujours vouloir être le meilleur. Nous nous sommes toujours poussés l'un l'autre. Nous étions toujours contents quand nous gagnions et vraiment deçus quand nous perdions. Et cela allait dans les deux sens."
Le mot de la fin est évidemment pour Medvedev, l'ainé. "Je suis très heureux de le jouer en quart de finale d'un Grand Chelem, c'est quelque chose qui m'enchante."
Andrey Rublev et Daniil Medvedev
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité