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Milan-San Remo : Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), favori malgré lui

Simon Farvacque

Mis à jour 06/08/2020 à 13:44 GMT+2

MILAN-SAN REMO - Il ne devait même pas en être. Julian Alaphilippe prendra part à la Classicissima samedi. Une course dont il est tenant du titre mais qui n’est à son calendrier qu’en raison du bouleversement de la saison. Le Français de 28 ans aspire à gagner d’ici quelques semaines et ne se clame ainsi pas dans la forme de sa vie. Ce qui n’est pas rédhibitoire, surtout dans ce contexte.

Julian Alaphilippe, au départ des Strade Bianche, le 1er août 2020

Crédit: Getty Images

Julian Alaphilippe sera au départ de Milan-San Remo samedi. Il y défendra son titre. Cela peut sembler évident. Mais ça ne l’est pas tant. En début de saison, le coureur français de la Deceuninck-Quick Step avait ainsi prévu de zapper le premier Monument de l’année. C’était avant que la crise sanitaire ne vienne bouleverser, entre autres, le calendrier UCI, et par rebond ses plans.
Le voilà catapulté sur le devant d’une scène qui l’a fait grand mais qu’il voulait bouder dans l’optique de remplir d’autres objectifs. Alaphilippe a dû modifier sa feuille de route, mais ses aspirations n’ont pas pour autant changé. "Je sais que je n’ai pas la condition de l’année dernière. Ma priorité n’est pas d’être au sommet de ma forme sur les premières courses", déclarait-il ainsi à nos confrères de L’Equipe il y a une semaine, à l’évocation des Strade Bianche et de Milan-San Remo.

"Comme si la course n’était pas assez dure…"

La course de reprise du calendrier World Tour a partiellement confirmé ses dires. Le coureur tout terrain de 28 ans a pris la 24e place samedi dernier à Sienne, battu d’un quart d’heure (!) par le lauréat du jour, Wout van Aert. Mais difficile de tirer des conclusions d’une telle épreuve, disputée sous une chaleur ardente, durant laquelle Alaphilippe a déploré six crevaisons, et que seuls 42 hommes ont bouclée dans les délais.
"C’était impossible aujourd’hui (samedi, ndlr), je me suis arrêté, puis j’ai recollé, je ne sais combien de fois, a débriefé le grand animateur du dernier Tour de France à l’issue de 184 km de souffrance, sur le site de sa formation. Les problèmes mécaniques m’ont rendu la tâche très difficile. Comme si la course n’était pas assez dure…" Mais il est donc allé au bout : "Par respect pour cette course que j’adore, j’ai voulu la terminer." Puis il s’est dit prêt, sur les réseaux sociaux, à aller de l’avant : "Cela ne fait que décupler mon envie pour la suite."
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Problème mécanique pour Julian Alaphilippe, lors des Strade Bianche

Crédit: Getty Images

Les leçons de 2019

Julian Alaphilippe évoque ainsi une grande motivation, mais n'affirme pas qu'il est en grande condition. Et au-delà du résultat des Strade Bianche, sa communication ne sent pas le bluff. Avant la mise en stand-by de la saison en mars, il n’avait pas levé les bras en 17 jours de course. Un retard de forme qui paraît relativement maîtrisé et cohérent, par rapport à l’analyse qu’il a pu faire de son fantastique opus 2019.
L’an passé, "Alaf" avait terminé sa campagne de classiques par une décevante 16e place à Liège, comme lessivé par un début de saison canon, avec notamment trois courses d’un jour remportées. "Je roule depuis fin janvier en Argentine, il est donc logique de manquer de fraîcheur, d’être fatigué. Je vais prendre du recul pour savoir quoi faire l’an prochain", avait-il déclaré. La suite a dû le conforter dans cette idée, avec une Grande Boucle tonitruante (quatorze jours en jaune, 5e du général) suivie de Mondiaux où il avait donné l'impression d'être en bout de course (28e de la course en ligne).

Sur le pont jusqu’au Ronde

Alaphilippe peut (presque) tout gagner. Mais il semble s’en être convaincu : chercher à le faire la même année est le meilleur moyen de se planter. Les temps forts qu’il a coché pour 2020 sont : le Tour de France (29 août - 20 septembre), les championnats du monde (27 septembre) puis les classiques (exceptionnellement) automnales. Avec, au passage, la découverte du Tour des Flandres, le 18 octobre. Cela fait déjà beaucoup et cela induit de ne pas avoir les jambes de sa vie début août.
Difficile pour autant de le rayer de la liste des prétendants d’une Primavera ("printemps", en italien) qui porte mal son nom cette année. La majorité des bookmakers voient en Peter Sagan, Caleb Ewan et Mathieu van der Poel les trois favoris de ce Milan-San Remo, mais le nom de Julian Alaphilippe arrive très vite après eux. Il n’est sans doute pas au top de ses capacités… mais qui est sûr de l’être dans ce contexte singulier ? Son profil de potentiel vainqueur dans un sprint en petit ou moyen comité convient, qui plus est, à l’une des particularités de cette Classicissima pas comme les autres.

Seulement six coureurs par équipe

Parmi les spécificités de cette édition : un parcours qui ne comprend ni le Turchino ni les "Capi", et s'achève cependant par l'habituel enchaînement Cipressa-Poggio. Mais aussi, la réduction du nombre de coureurs par équipe. Encore huit en 2017 et sept depuis, ils ne seront que six cette fois-ci, pour permettre à 27 et non 25 formations de participer, à l’initiative des organisateurs. En l’occurrence, ce sont Bardiani-CSF-Faizanè et Androni Giocattoli - Sidermec qui sont invitées à la fête.
Une décision qui n’a pas plu à plusieurs grosses écuries. Dont Deceuninck-Quick Step, qui s’est exprimée par la voix de son directeur sportif et manager, Patrick Lefevere. "On est déjà dans la merde avec ce virus, et maintenant ils veulent enlever un coureur pour placer deux équipes italiennes (…) C’est une décision unilatérale et égoïste, a-t-il fulminé dans des propos rapportés par la RTBF. Dans ce cas-là, j’engage 20 coureurs à la place de 27, je prends un mécano en moins, un soigneur en moins, un directeur sportif en moins. Je vais gagner beaucoup d’argent, mais ce n’est pas juste."
Derrière le courroux de son boss, cette modification n’est donc pas un mauvais augure pour Julian Alaphilippe. Il est plus difficile de cadenasser la course à six qu’à sept et ce sont ceux qui espèrent un sprint massif qui risquent, a priori, d’être le plus pénalisés. L’équipe belge devrait quand même se ménager toutes les options et s’articuler autour d’Alaphilippe, donc, mais aussi du sprinteur Sam Bennett. Avec Zdenek Stybar, Yves Lampaert et Bob Jungels en équipiers susceptibles de se muer en francs-tireurs et Michael Morkov en poisson-pilote désigné pour Bennett.
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Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step) à l'attaque dans le Poggio, lors de Milan-San Remo 2019

Crédit: Getty Images

Statut différent, rôle similaire ?

En fonction du scénario de la course, Alaphilippe sera peut-être même amené à enfiler le costume d’équipier. Comme en 2018, lorsqu’il avait vainement mené la poursuite derrière Vincenzo Nibali dans le dernier kilomètre, pour favoriser les desseins d’Elia Viviani. Mais c’est aussi dépourvu du statut de leader unique qu’il avait pris la 3e place de l’épreuve un an plus tôt, battu de peu au sprint par Michal Kwiatkowski et Peter Sagan. Avant de lever les bras sur la Via Roma en 2019, toujours dans un contexte de responsabilités partagées, où son rang de carte-maîtresse avait été entériné en cours de route.
Malgré son changement de statut, Julian Alaphilippe est un grand coureur parmi d’autres chez Deceuninck-Quick Step. C’est comme cela que fonctionne la cylindrée belge. C’est comme cela qu’elle tourne si bien depuis de nombreuses années et a, encore, glané seize courses d’un jour (hors championnats nationaux) l’an passé… avec dix coureurs différents. Si Alaphilippe n’en tire pas profit samedi, ce ne sera pas un désastre. Sa saison condensée ne fait que commencer.
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