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Coupe du monde - Argentine - Pays-Bas : Comment l'Argentine fait-elle pour avoir une telle ambiance dans les stades ?
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Publié 08/12/2022 à 23:45 GMT+1
COUPE DU MONDE - Très nombreux mais surtout très sonores dès lors que l'Argentine joue, les "hinchas" de l'Albiceleste sont encore attendus ce vendredi pour inonder le stade Lusail face aux Pays-Bas (20h). Mais comment la sélection de Messi fait-elle pour être toujours la plus soutenue ? Et comment les fans argentins ont-ils réussi à arriver si organisés au Qatar ?
"Ce qui diffère des derniers Mondiaux, c'est que Messi assume complètement la pression"
Video credit: Eurosport
Même la presse néerlandaise a fini par renoncer à trouver un chiffre exact. Le constat s'impose à elle : la Oranje Army, jamais la dernière à l'heure de soutenir ses équipes nationales, a déjà perdu la guerre pour vendredi. Dans les tribunes du stade Lusail, NOS avait avancé le chiffre de 30 000 fans argentins pour ce quart de finale. Ils devraient plutôt être aux alentours de 50 000 selon le décompte du Telegraaf. Malgré des renforts de dernière minutes, les Néerlandais devraient être au nombre de… 1400.
Une habitude dans ce Mondial. Selon l'ambassade argentine au Qatar, 30 000 à 40 000 supporters argentins ont fait le déplacement pour soutenir l'Albiceleste dans la quête qu'elle s'est lancée : offrir une Coupe du monde à Lionel Messi. "C'est absolument dingue ce qu'il se passe autour de cette équipe, avance Nicolás Migliavacca, journaliste à Olé. Mais ça ne se limite pas qu'aux supporters présents au Qatar : après la victoire face à l'Australie, il y eut un rassemblement près de l'Obélisque, l'endroit où sont fêtées habituellement les grandes victoires".
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Une foule immense sous l'Obélisque de Buenos Aires après la qualification en quarts
Crédit: Getty Images
81% de part d'audiences en Argentine
Chez eux, pas de boycott. Face au Mexique, la part d'audience du diffuseur fut de 81%, record all-time dans ce pays de football. En plein été, l'Argentine se passionne donc pour l'avenir de son Albiceleste. Et certains, malgré les difficultés économiques terribles du pays, ont décidé de sauter le pas pour rejoindre le Qatar, histoire de maintenir la tradition d'une équipe nationale soutenue en nombre, comme c'était déjà le cas en Russie, en Afrique du Sud mais surtout au Brésil.
La première explication de l'ambiance assourdissante dans les stades qataris quand l'Argentine y est vient d'abord de là, de cet amour presque démesuré de l'Albiceleste. Il suffisait de voir le contraste entre les anciennes gloires brésiliennes et argentines lors des 8es de finale pour saisir aussi l'essence du supportérisme en Argentine.
Pendant que le quatuor Rivaldo, Roberto Carlos, Cafu et Ronaldo prenait du bon temps en tribunes alors que la Seleçao se baladait face à la Corée du Sud, Kun Agüero, Batistuta, Sorín, Cambiasso, Zanetti ou Crespo avaient fait tomber la veste et avaient abandonné depuis longtemps leur siège pour chanter et danser pour soutenir les leurs. En 2018, la présence de Diego Maradona en Russie avait aussi renforcé l'idée qu'en Coupe du monde, c'est l'union sacrée derrière l'Albiceleste.
"L'énigme" qui n'en est pas une
Mais ces supporters "normaux" ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Car, en sous-main, l'Argentine a bien compris que l'ambiance délirante entendue au Qatar venait aussi de la présence de certains barras bravas. Ces groupes de supporters locaux, institutionnalisés en Argentine, forment une partie de l'identité de la ferveur argentine. Alors, au Qatar, quand le bateau a commencé à tanguer, ils ont déboulé.
"Ça a toujours été le cas, rembobine Matthieu, socio de Boca Juniors et suiveur attentif du sujet. Les barras ont toujours réussi à cohabiter sur les événements liés à la sélection. Dernièrement, on les voyait un peu moins, notamment parce que nombre d'entre eux sont interdits de stade mais aussi d'entrée de territoires. C'était le cas au Qatar puisque le gouvernement argentin a donné le nom de certains aux autorités qataries".
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Les hinchas argentins face à l'Australie
Crédit: Getty Images
Une liste de 6 475 noms a effectivement été transmise au Qatar. Souci, certains de ces noms ont pu sans problème atterrir à Doha pour organiser les tribunes argentines, et donc faire encore un peu plus monter le volume. Tyc Sports a ainsi recensé près de 100 supporters interdits de stade en théorie mais bien présents dès le match face au Mexique. Le sujet est évoqué dans la presse argentine mais semble encore buté à l'heure de trouver une explication rationnelle, ou plutôt, avouable publiquement : "l'énigme des interdits au Qatar qui ont réussi à entrer à malgré tout", titrait ainsi TN Sports un article très complet sur le sujet.
"Ceux qui ont réussi à entrer dans le stade n'auraient pas dû y avoir accès. On a des chiffres qui prouvent qu'ils sont arrivés de manière dispersée mais qu'ils ont tous pactisé lors du dernier match pour se retrouver juste derrière les buts", explique une source du ministère de l'Intérieur argentin au média. Voilà pourquoi vous avez peut-être aperçu des tambours aux couleurs de Boca ou des blasons du Club Atletico de Vélez parmi les maillots bleu et blancs argentins.
"C'est un système très hiérarchique, classé par ligne, explique Matthieu. La première ligne est la plus prestigieuse etc… Un barra de première ligne, c'est quelqu'un qui peut être invité au mariage d'un homme politique, d'un joueur de foot. C'est presque un ministre. Ceux-là étaient interdits au Qatar. Mais il reste ceux en deuxième ou troisième ligne. On en a vu beaucoup qui sont arrivés au Qatar. S'ils sont là, c'est peut-être que la fédération a fait ce qu'il fallait pour qu'ils soient là".
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Les hinchas argentins face à l'Australie
Crédit: Getty Images
La surprise n'en serait pas vraiment une tant les liens entre politiques et barras sont monnaie courante en Argentine. A la tête de la fédération argentine, un état dans l'Etat, Claudio Tapia a toujours entretenu une relation ambivalente vis-à-vis des barras bravas. L'actuel président de l'AFA n'a fait que suivre le modèle : Mauricio Macri, ancien président de Boca Juniors devenu président de la République, avait des relations plus que cordiales avec la "Doce", barra emblématique, qui touche des revenus via les diverses ventes du club mais gère même les parkings de la Bombonera.
Tapia n'avait pas fait autre chose en 2017, lorsque l'Argentine disputait à la Bombonera un dernier match à domicile sous autre tension pour valider son ticket pour la Russie. 4000 places dévolues à la fédération avaient été données aux chefs de la "Doce", histoire de s'assurer une ambiance digne d'un grand soir argentin. La pompe à billets de match a-t-elle encore une fois été activée ? C'est une hypothèse qui attend encore une confirmation officielle, qui pourrait ne jamais venir. Après tout, en Argentine, pour permettre à Messi de soulever le Graal, on n'est plus à une concession près…
Pour aller plus loin sur le sujet des barras bravas, écoutez l'analyse de notre spécialiste Thomas Goubin dans notre podcast "Tour du monde"
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