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Euro féminin 2022 - Les bonnes performances des gardiennes ont fait taire les critiques

Vincent Roussel

Mis à jour 26/07/2022 à 18:22 GMT+2

EURO 2022 – Longtemps critiquées voire moquées, les gardiennes de but ont multiplié les performances de haut vol en Angleterre. Si quelques erreurs, inhérentes au poste, ont pu être soulignées, leurs prestations confirment que le niveau des portières ne cesse d’augmenter ces dernières années, à un poste où les comparaisons avec les hommes ont souvent fait du mal.

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Souvent, ces dernières années, cela revenait comme un bruit de fond, décuplé par les critiques acerbes déversées sur les réseaux sociaux : à chaque compétition, les gardiennes étaient souvent pointées du doigt, accusée de ne pas répondre présentes sur les tirs adverses, et donc de gâcher le spectacle. Les critiques déjà sévères qui peuvent s’abattre sur les gardiens, semblaient décuplées dès lors qu’une boulette de gardienne faisait le tour de la planète.
Cette année, en Angleterre, comme la confirmation d’un Mondial 2019 où les prestations de joueuses comme Christiane Endler (Chili), Sari Van Veenendaal (Pays-Bas) ou Hedvig Lindahl (Suède) avaient déjà donné le la, les derniers remparts ont multiplié les prestations de grande classe. Pour passer des quolibets aux louanges.
Les prestations de gardiennes sont les meilleures qu’on ait jamais observées
Vue de France, la compétition avait commencé très fort avec l’excellent match de Pauline Peyraud-Magnin face à l’Italie (5-1). Durant la phase de groupe, plusieurs prestations de haut vol ont pu être soulignées, comme celles de Daphne Van Doomselaar, numéro 2 des Pays-Bas autoproclamée par son coach, Mark Parsons, "meilleur gardienne du tournoi", celle de la Danoise Lene Christensen face à la Finlande ou encore le match abouti de Merle Frohms avec l’Allemagne face à l’Espagne (2-0).
Si Mary Earps, la gardienne de l’Angleterre, favorite de l’Euro, a aussi multiplié les interventions rassurantes, même les portières moins attendues se sont signalées. Nicky Evrard, la gardienne de la Belgique, a ainsi maintenu ses compatriotes en vie pendant 90 minutes face à la Suède en quart de finale (0-1), malgré 34 tirs (dont 8 cadrés) subis, elle n'a craqué que dans les derniers instants. Et les supporters français se souviendront que, s’ils ont dû attendre aussi longtemps pour voir leur équipe se qualifier pour la première demi-finale de leur histoire à l’Euro, c’est à cause d’une gardienne en grande forme qui n’a fait que repousser l’échéance, avant le penalty victorieux d’Eve Perisset.
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"Je trouve que le niveau est vraiment intéressant, après il y n’en a pas une qui se détache particulièrement mais il y a de bonnes gardiennes avec beaucoup de qualité", se réjouit Christophe Gardié, entraîneur des gardiennes de l’OL depuis 2017 et qui suit donc avec attention la question. "Les prestations de gardiennes sont les meilleures qu’on ait jamais observées. Sur les précédents tournois, parfois, les gardiennes étaient clairement le maillon faible de leur équipe. Pour l’instant, ça n'a pas été le cas", disait l’ancienne gardienne de l’Angleterre Rachel Brown-Finnis à The Athletic après la phase de groupe.
La plupart des clubs sont professionnels aujourd’hui, du coup les gardiennes travaillent tous les jours et ça explique ce niveau très intéressant
"Le niveau moyen des gardiennes s’est sensiblement élevé", confirmait-elle. "On voit beaucoup moins d’erreurs de main et le jeu au pied est abouti", se réjouissait de son côté Sandrine Roux, gardienne aux 71 sélections en équipe de France, dans L'Equipe. Pour expliquer cette hausse continue du niveau des gardiennes depuis plusieurs années, il y a un premier facteur qui tombe de sens : "Il y a beaucoup de gardiennes qui sont âgées aujourd’hui et qui ont donc pas mal d’expérience, donc ça explique en partie ces bonnes prestations", explique Christophe Gardié.
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Daphne van Domselaar, gardienne des Pays-Bas, lors de l'Euro 2022

Crédit: Getty Images

Deuxièmement, la professionnalisation galopante du foot féminin depuis quelques années a logiquement permis d’engranger de nombreux progrès : "Tous les clubs s’organisent pour avoir des entraîneurs de gardiens ou des entraînements spécifiques, donc à partir de là, c’est sûr que ça aide à progresser, avec le travail au quotidien, acquiesce Christophe Gardié. La plupart des clubs sont professionnels aujourd’hui, du coup les gardiennes travaillent tous les jours et ça explique ce niveau très intéressant". Ces standards, qui n’étonnent plus personnes chez les hommes, c’était loin d’être une évidence chez les filles il y a ne serait-ce que dix ans.
Il y en a qui compensent avec leur détente, parce qu’elles ont des cannes, mais c’est vrai qu’aujourd’hui, ce qui leur manque, c’est surtout la taille
A l’époque, déjà, certains proposaient de réduire la taille des buts, pour ne plus assister, notamment, à ces frappes de loin, bien placée dans la lucarne. Si chez les hommes, on voit peu de portiers lobés par de telles tentatives, chez les filles, les images se multiplient et transportent à chaque fois un peu plus la polémique. Nos confrères de The Telegraph ont même relevé cette phrase entendue dans les médias : "Pour que le football féminin progresse, il faut des hommes dans le but". Certains prennent l'exemple de l'athlétisme, qui s'adapte entre filles et garçons, sur l'épreuve du 110 mètres haies (100 mètres pour les filles), par exemple.
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Des critiques "ingrates", selon Gardié, qui trouve l’idée "aberrante !". "Chez les garçons, on trouve des grands gabarits qu’il y a moins que chez les filles, reconnait-il malgré tout. Après, il y en a qui compensent avec leur détente, parce qu’elles ont des cannes, mais c’est vrai qu’aujourd’hui, ce qui leur manque, c’est surtout la taille", dit l’ancien entraîneur des gardiens de Toulouse, qui travaille tout de même au quotidien avec Christiane Endler, 1m82 sous la toise.

La taille, ça compte

Une situation loin d’être habituelle. Ainsi, la différence de taille moyenne entre les gardiens lors de la Coupe du monde en Russie en 2018, et celle des gardiennes au Mondial organisé en France en 2019 est de 16 centimètres (189 cm contre 173). "Nous les premiers, on recherche des gardiennes avec de la taille, même s’il n’y a pas que ça comme critère, raconte Gardié. C’est important notamment dans le domaine aérien, donc c’est sûr que plus la gardienne est grande, plus ce sera facile de maîtriser ce domaine".
"Si demain, je rencontre une jeune femme de 1,92 mètres, qui a envie de jouer au foot, d’aller dans le but, possède en plus un bon pied droit, un bon pied gauche et qui n’a pas peur, je vous promets que je vais la sélectionner, disait de son côté Gilles Fouache, adjoint de Corinne Diacre dans L’Equipe début juillet. Cependant, ce ne sont pas des profils que l’on rencontre tous les jours, ne serait-ce que dans la vie quotidienne, donc il faut bien former celles qui ont envie d’y aller".
Hormis cet écart de taille, les différences de performances physiques entre derniers remparts et portières, même s’ils existeront toujours, se réduisent sensiblement : "On a des gardiennes plus athlétiques. Avant, on avait plus de grosses erreurs dans les prises de balle ou le placement", observe Roux, qui entraîne désormais les gardiennes de l’équipe de France U23. "Au niveau de l’explosivité, oui, il y a une petite différence, mais je ne trouve pas qu’il y ait de grands écarts sur le reste, complète Gardié. Moi j’entraîne les filles comme j’ai entraîné les garçons, avec quasiment les mêmes séances, les mêmes frappes…".
Si une petite fille veut se lancer, il ne faut pas hésiter. On aimerait être des modèles pour les petites
Reste que, dans le jeu aérien, les erreurs, même sans conséquences, sont tout de même nombreuses dans cet Euro. "C’est certainement un domaine où les gardiennes doivent beaucoup plus travailler, reconnait l’ancien joueur de Lens, Guingamp ou Sochaux. Maintenant, il y a aussi le jeu au pied qui est très important aujourd’hui, comme chez les garçons, la gardienne fait partie des premiers relanceurs".
Le but encaissé par l’Espagne face à l’Allemagne après l’erreur de Panos sur une relance, ou celui concédé par Manuela Zinsberger face aux futures adversaires de la France en demi-finale le rappellent. Plus nombreuses, prises en charge de plus en plus tôt, formées de façon de plus en plus complète, les gardiennes qui arrivent aujourd'hui dans le monde professionnel sont autant de promesses pour le futur. "On peut considérer cela comme un poste dangereux, mais ca ne l’est pas. Si une petite fille veut se lancer, il ne faut pas hésiter. On aimerait être des modèles pour les petites", a dit Mylène Chavas, la gardienne remplaçante des Bleues. Sur cet Euro, elles semblent bien avoir atteint leur but.
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