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Scouting et cellule de recrutement : Jean-Michel Aulas (OL), le contresens de l'histoire

Cyril Morin

Mis à jour 22/12/2021 à 14:02 GMT+1

LIGUE 1 - Elle fut, en partie, à l’origine du départ de Juninho. A Lyon, la gestion de la cellule de recrutement, et le manque de considération pour celle-ci de la part de Jean-Michel Aulas, avaient fini de convaincre le Brésilien de quitter le navire. En L1, l’OL n’est pourtant pas un cas isolé, certains clubs ayant raté la révolution scouting. Quand d’autres surfent allégrement dessus.

Jean-Michel Aulas face aux micros en octobre 2020

Crédit: Getty Images

C’est censé être l’arme fatale du club moderne. Celle qui transforme une équipe au budget modeste en candidat sérieux à l’Europe. Ou celle qui permet aux équipes mieux dotées de vivre des contes de fées à la Monaco 2017. A Lyon, pourtant, la cellule de recrutement présente au club a vécu des derniers mois chaotiques. "La cellule de recrutement a été un des premiers soucis soulevés par Juninho, ça n’a jamais été réglé et ça a contribué à son départ finalement, nous a ainsi expliqué Thomas Lacondemine, biographe du Brésilien, invité dans Tour d'Europe. Juninho avait simplement Wyscout [logiciel spécialisé, NDLR] et c’était tout. On ne peut pas se priver d’une analyse de terrain. […] A la fin, Juninho travaillait avec deux personnes".
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"Il est juste dégoûté" : Pourquoi Juninho quitte l’OL à contre-coeur

Une réalité que n’avait aucune peine à justifier Jean-Michel Aulas dans les colonnes de l’Equipe après l’annonce du départ de son directeur sportif. "Je fais partie des gens qui considèrent que ce n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup de scouts, avançait ainsi le président lyonnais. Dans le monde pro, vous avez toujours un entraîneur qui définit, avec un directeur sportif ou non, un certain nombre de profils à rechercher. Et à Lyon, on a fait des investissements considérables avec des équipes informatiques pour avoir toutes les bases de données vidéo. Tous les gens qui s'occupent du recrutement ont ces outils. Quatre personnes pour superviser ça, c'est largement suffisant".

Le terrain, seul juge de paix

Une assurance qui laisse songeur en 2021. Car négliger sa cellule de recrutement, c’est sans doute faire des économies en salaires et en notes de frais mais c'est aussi et surtout se tirer une balle dans le pied au moment de faire les bons choix. "Avoir une cellule de recrutement, ça permet deux choses : dénicher des joueurs, certes, mais surtout de réduire la marge d’erreur, c’est ça le plus important, nous éclaire ainsi Antonio Salamanca, scout notamment passé par Villarreal, Tottenham ou Liverpool. Pour ça, il faut aller voir les matches". Dans le milieu du scouting, c’est une règle d’or : rien ne remplace le terrain.
"La vidéo et le terrain sont complémentaires mais il y a beaucoup de choses plus faciles à lire et traduire quand vous êtes sur le terrain, nous détaille Gilles Grimandi, scout d'Arsenal pendant près de 15 ans. Le champ de caméra est plus réduit, on ne voit pas le joueur lorsqu'il est hors caméra, on ne voit pas l'échauffement, le langage corporel…".
Réputé pour son exigence et sa faculté à dénicher des pépites, Luis Campos s’interdit notamment de recruter le moindre joueur sans avoir pu l’observer plusieurs fois de ses propres yeux sur le pré. "La première des choses, c’est le terrain, se déplacer, synthétisait Loic Désiré, responsable de la cellule de recrutement à Strasbourg. Pour moi, le premier critère pour un recruteur, c’est ça, ne pas rester dans un bureau tous les week-ends, se déplacer". Tout l’inverse de la vision avancée par Jean-Michel Aulas.
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Est-il temps pour Aulas de passer la main à l'OL ?

Plus que la méthode, c’est aussi le nombre avancé par Jean-Michel Aulas qui interroge. Comme l’a justement relevé le Youtubeur Wiloo, tous les concurrents directs ou supposés de l’OL disposent d’un nombre de scouts bien supérieurs dans leur cellule de recrutement selon les décomptes présents sur site Transfermarkt. A l’OM, par exemple, ils sont 7 à travailler sous la direction de David Friio, directeur technique. "A Villarreal, on était quatre recruteurs sur l’équipe première, nous explique ainsi Antonio Salamanca. Mais, ensuite, dans chaque région d’Espagne, il y avait un ou deux scouts. Là on arrive peut-être à 30 mais tous ne bossent pas pour l’équipe première".
J’ai des copains qui m’ont appelé donc on a regardé
Dans son retard, Jean-Michel Aulas pourra cependant constater qu’il n’est pas seul. A son arrivée à Saint-Etienne, Claude Puel, passé entre temps en Premier League où le scouting a pris une place prépondérante, avait expliqué avoir été surpris de l’activité de celle-ci. "Quand je suis arrivé, j’ai dû très vite orienter la cellule de recrutement vers d’autres joueurs en ayant connaissance de notre situation économique, retraçait-il en janvier dernier. Les recruteurs allaient voir des matches de L1, certains de Ligue des champions. Cela me fait sourire maintenant car on était complètement déphasé".
A Nantes, Antoine Kombouaré était encore plus transparent au moment d’officialiser la venue du jeune Osman Bukari : "Nous n’avons pas de cellule de recrutement. J’ai des copains qui m’ont appelé donc on a regardé. Ils m’ont fait des propositions sur ce joueur". Lyon, Nantes, Saint-Etienne : trois clubs où la mainmise présidentielle est encore à l’ordre du jour. Pour le meilleur, rarement, et pour le pire, souvent, en matière de recrutement. "Dans certains clubs, le président peut même signer des joueurs sans l’aval de la cellule", confirme ainsi Antonio Salamanca.
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"Chaque club a sa méthode pour recruter, nuance Gilles Grimandi. Si vous avez des hommes de confiance et compétents autour de vous, pourquoi pas. Mais ce qui est déterminant dans la réussite d’un club, c’est la réussite de son recrutement, à tous les niveaux. On a beau dire que les plus grands clubs peuvent se permettre de ne pas avoir de recruteurs puisqu’ils prennent les 3-4 meilleurs joueurs d’Europe etc…, c’est une erreur".
Une situation qui n’est pas sans rappeler celle du PSG à l’heure actuelle, avec le seul Eric Pécout comme scout auprès de Leonardo. "Le Barça n’a pas très bien réussi ses recrutements les années précédentes et aujourd'hui, on voit le résultat, surenchérit l'ancien joueur. A l’inverse, Liverpool a toujours été très précis dans ses achats, pas forcément en faisant de la masse mais plutôt de la qualité sur des besoins ciblés et ils sont revenus sur le devant de la scène ces dernières années".

Les bons élèves de OM, Strasbourg ou Rennes

Réputé pour être le club le plus riche au monde, Manchester United a longtemps traîné comme un boulet sa période post-Ferguson où les mauvais choix se sont multipliés. En l’espace de six ans, près de 45 scouts sont venus garnir la cellule de recrutement mancunienne. Mieux, des entreprises spécialisées en surveillance et investigation ont été missionnées sur certains joueurs pour éviter un nouveau cas Marcus Rojo, comme l’expliquait The Athletic en 2019 : sous le coup de sanctions judiciaires graves en Argentine après les plaintes de violences venues de deux hommes, l’Argentin avait rejoint les Red Devils en 2014 sans que personne ne soit au courant de l’affaire au club, jusqu’à ce qu'un membre du staff ne tape son nom sur Google…
En L1, les moyens ont beau être différents, les clubs qui s’en tirent le mieux sont ceux qui ont suivi la révolution du scouting. Heureux hasard, ce sont des équipes qui s’illustrent en cette saison 2021-2022 : pour des raisons diverses, Marseille, Strasbourg, Rennes, Lens ou Angers sont cités spontanément par nos témoins pour la qualité de leur travail. "Aujourd’hui, à la tête des clubs, il faut mettre des spécialistes de football, estime Grimandi. A Marseille, ils ont mis Pablo. A Rennes, je vois Florian Maurice et Jérôme Bonnissel, ce sont des gens de foot, ce sont eux qui décident, ils font des bons coups. Je vois à Strasbourg, Loïc Désiré, il connait très bien le foot, il travaille bien. Le dernier mot est toujours pour les hommes de terrain. C’est pour ça qu’on voit ce genre de profils prendre le pouvoir dans les clubs".
Et Grimandi de terminer en prenant l’exemple de la recrue la plus en vue des dernières semaines en L1 : "Quand on voit Majer arriver à Rennes, on se dit : 'tiens'... Moi, je le connaissais et j’ai tout de suite pensé que c’était une bonne idée". Et devinez contre qui le jeune Croate a sorti son match référence cette saison ?
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