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Comment le Halo, malaimé, a sauvé la vie de Romain Grosjean (Haas)

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 30/11/2020 à 20:35 GMT+1

GRAND PRIX DE BAHREÏN - Romain Grosjean (Haas) doit sa vie au Halo, ce dispositif controversé lors de son instauration sur les monoplaces, en 2018. Il est le résultat de plusieurs études ménées après des accidents dramatiques. Depuis dimanche, il fait l'unanimité.

La Haas de Romain Grosjean (Haas) au Grand Prix de Bahreïn 2020

Crédit: Getty Images

Romain Grosjean a survécu à son terrible accident du premier tour du Grand Prix de Bahreïn, dimanche à Sakhir, et c'est une preuve de plus que le Halo était une avancée significative en termes de sécurité passive pour préserver l'intégrité physique d'un pilote dans son cockpit. Ce dont le Français n'était pas entièrement convaincu jusque-là.
"Je n'étais pas pour le Halo il y a quelques années, mais je pense maintenant que c'est le truc le plus génial en F1, car sans ça je ne serais pas aujourd'hui là pour vous parler", a-t-il confié sur son lit d'hôpital, dimanche soir. "J'étais contre au départ mais il a sauvé plusieurs vies déjà. C'est bien qu'on ait poussé pour le rendre obligatoire", a également reconnu son patron, Günther Steiner.
Dimanche, un drame a été évité grâce au Halo. Il est aujourd'hui une évidence mais l'histoire de son instauration aura été compliquée, pour de simples questions d'apparence. Les Formule 1 avaient toujours été des monoplaces à cockpit ouvert, et la perspective de les fermer, même partiellement, en heurtant certains attachés à la tradition. Malheureusement, c'est un drame qui aura fait réaliser qu'il était necéssaire.
Au Grand Prix du Japon 2014, l'infortuné Jules Bianchi était sorti de la piste et avait été gravement blessé à la tête lorsque sa Marussia, lancée sur une pelouse glissante sans pouvoir la ralentir, avait heurté un tracteur qui évacuait la Force India d'Adrian Sutil, qui n'avait rien à faire là. L'engin était passé outre, au-delà du rail séparant l'enceinte du circuit de la piste et ses dégagements.
Le Niçois n'avait pas survécu à ses blessures et était mort en juillet de l'année suivante. Mais, au-delà de la polémique sur les circonstances de l'accident fatal, Jean Todt, le président de la Fédération internationale de l'automobile, avait lancé une vaste étude s'appuyant sur une quinzaine d'accidents graves pour augmenter la protection des pilotes dans leur cockpit. L'accident du jeune Henry Surtees, tué sur le coup par une roue perdue lors d'une course de Formule 2 en 2009, ou les chocs mortels en Indycar de Dan Wheldon en 2011, contre un muret, et de Justin Wilson en 2015, heurté par des débris envolés, étaient encore dans toutes les mémoires.

Todt l'a rendu obligatoire

Jean Todt avait ouvert deux pistes d'expérimentation pour mettre le casque du pilote hors d'atteinte : l'Aeroscreen de Red Bull, vitrage blindé entourant le cockpit, et le Halo, sorte d'armature en Y fixée en trois points, derrière le volant et de chaque côté de la cellule de survie. Les deux dispositifs avaient été testés en essais libres dans le cadre d'un Grand Prix, et l'Aeroscreen, qui offrait le confort d'une quasi absence de vent à l'intérieur du poste de pilotage, avait été écarté en raison de la vision déformée qu'il donnait, et de la buée qui risquait de le recouvrir par temps de pluie. Une question de choix puisque l'Indycar l'a adopté de son côté.
A l'orée de la saison 2018, Jean Todt a rendu obligatoire ce dispositif de 7 kg qui a fait hurler sur le moment beaucoup de pilotes dont Lewis Hamilton, qui a même menacé de ne pas courir avec, en raison de son aspect inesthétique. A part une installation peu pratique et une extraction de cockpit plus longue, les coureurs ont fini par l'accepter, en oubliant cette barre verticale dans l'axe de leur champ de vision. Pour une raison simple : les lignes droites ne sont pas légion et au volant les pilotes regardent plus souvent sur un côté, pour s'inscrire au mieux dans le virage à venir.
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L'Aeroscreen en Indycar

Crédit: Getty Images

Un choc de 53 G

Restait à fixer le niveau de protection. Pour homologuer une monoplace, un bolide doit satisfaire une série de crash-tests avant même le premier roulage. Toute les parties vulnérables d'une voiture sont ainsi soumises à des contraintes sévères, et il n'est pas rare que le bureau d'études d'un team doive revoir sa copie pour renforcer une pièce, une structure, après un ou plusieurs échecs à un crash test. Arceau de sécurité au point le plus haut du bolide (derrière le casque du pilote, au niveau de la prise d'air du moteur), crashboxes à l'avant de la monoplace (museau) et à l'arrière au niveau de la boîte de vitesse, rien n'est oublié. Depuis 2018, le halo, fait donc partie de l'arsenal. Et en la matière, la FIA n'a pas lésiné : il doit supporter 12 tonnes, soit le poids d'un autobus.
Malheureusement, le halo ne peut pas tout, et il n'a été d'aucun secours pour le pauvre Anthoine Hubert, mort en Formule 2 à Spa-Francorchamps en 2019, son corps n'ayant pas résisté à un choc quasiment à l'arrêt, selon un angle de 86°, contre une monoplace lancée à 218 km/h. Un choc correspondant à une accélération latérale de 81G.
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Stupeur, brasier et débris : l'accident glaçant de Grosjean en images

Le Halo est donc la preuve que la sécurité avance mais qu'on n'en fera jamais assez. Heureusement, dimanche, ce bouclier grossier en titane a fait son office, sauvant Romain Grosjean dans sa Haas découpée en deux, derrière son siège, dans un choc à quelques 200 km/h, selon un impact mesuré par la télémétrie de Haas de 53G. Sa VF-20 s'est enfoncée dans un rail de face, puis elle a tourné, se déchiquetant instantanément. S'enflammant aussi à la rupture du réservoir. Un événement qui a surpris car cette partie de la voiture est normalement pas vulnérable lors d'un accident.
"C'était une image tellement choquante, a confié le septuple champion du monde, Lewis Hamilton (Mercedes). Quand on monte dans la voiture, on sait qu'on prend des risques et je respecte la part de danger inhérente à ce sport. Mais c'était terrifiant. Je ne sais pas ce qu'il en reste, mais je suis heureux de voir que le Halo a fonctionné. Il aurait pu se faire couper la tête. Ça nous rappelle à tous et à ceux qui nous regarde que c'est un sport dangereux. Quand on va en piste, on est à la limite, on joue avec ces limites. Il faut respecter ça. C'est un travail incroyable de la part de la F1, de la FIA auquel on a assisté aujourd'hui. Et bien sûr, il y aura une enquête pour être certain que ça n'arrive jamais plus"

La sécurité, une quête sans fin

"Je n'avais jamais vu autant de flammes et un impact comme celui-ci, a déclaré Alan van der Merwe, le pilote de la voiture médicale. Tous les systèmes que nous avons développés - le Halo, les rails de sécurité, les ceintures - ont fonctionné comme prévu. Sans un seul de ces éléments, le résultat aurait pu être très différent."
Ce qui nous a glacés, c'est que l'on pensait que ce genre d'images appartenaient au passé. On pensait la F1 immunisée, elle ne l'est pas. Et elle reste sujette aux erreurs, comme lorsque le directeur de course des Grands Prix, Michael Masi, avait autorisé la reprise des essais à Istanbul, lors du dernier Grand Prix de Turquie, alors qu'un engin de levage était encore en train d'opérer sur le circuit, dans un endroit dangereux.
Dans tout cette chaîne sécuritaire qui a aidé Romain Grosjean à s'en sortir, on remarque que les rails n'ont pas résisté comme il aurait peut-être dû. Mais comme après tout accident de cette envergure, la FIA va enquêter pour savoir ce qui pourrait être fait de mieux, de plus solides, sécure, pour l'appliquer sur tous les circuits du monde.
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