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Formule 1 - De Spa-Francorchamps à Zandvoort, l'insoluble débat sur les dégagements des virages en asphalte

Julien Pereira

Mis à jour 02/09/2021 à 15:46 GMT+2

GRAND PRIX DES PAYS-BAS - C'est un débat qui touche directement à l'ADN du sport automobile. Omniprésents à Spa-Francorchamps, quasiment absents à Zandvoort, les dégagements en asphalte permettent aux pilotes de déborder hors des limites de la piste sans être punis. Et sont ainsi devenus la norme. Pourtant, ils peuvent parfois être contre-productifs. Explications.

Max Verstappen (Red Bull) lors des essais libres du Grand Prix de Belgique, le 28 août 2021

Crédit: Imago

L'avantage du "petit" Prix auquel nous avons eu droit le week-end dernier est qu'il est inutile de se torturer l'esprit pour en élire le meilleur moment. Ce fut, assurément, le tour bouclé aux essais libres par Fernando Alonso, caméra de quelques millimètres embarquée à l'intérieur de son casque, juste à côté de son œil gauche. Jamais le téléspectateur n'avait pu se sentir aussi près des sensations du pilote sur l'entièreté d'un tour du légendaire circuit de Spa-Francorchamps et de son mythe : le Raidillon.
L'innovation a permis de mieux comprendre à quel point l'un des enchaînements les plus populaires du calendrier peut être grisant pour ceux qui ont la chance de l'arpenter au volant d'une F1. Et de constater qu'il n'y avait aucune exagération dans les propos de Daniel Ricciardo qui, il y a quelques années, décrivait un "instant où l'on ne voit que le ciel". C'est vrai. Ce qu'il l'est tout autant, c'est que cette portion a aussi perdu une bonne partie de ce qui faisait son attrait. Sur piste sèche, les pilotes n'ont plus à se poser de question. Ni à lever le pied.
Les progrès technologiques et aérodynamiques y sont pour beaucoup. L'évolution des circuits aussi. La plupart des virages à haute vitesse ne sont plus restreints par des zones de graviers ou d'herbe, mais par de l'asphalte. Plus sécurisant. Mais aussi plus permissif, puisque cela permet d'outrepasser les limites de la piste sans rien n'y perdre. D'un virage nécessitant "du temps pour se convaincre de ne pas lever le pied", comme l'expliquait à l'époque le triple champion du monde Niki Lauda, le Raidillon est devenu un passage qui se traverse "à fond et les yeux fermés", si l'on en croit le très sûr de lui Max Verstappen.

Moins de danger ?

Désormais, la dangerosité du Raidillon est cristallisée par la barrière située à gauche à la sortie du virage et dont l'orientation provoque le renvoi des monoplaces qui la heurtent vers la piste. Et non plus par l'enchaînement en lui-même. Le week-end dernier, par exemple, le pilote de Formule 3 Caio Collet a fait sensation en réalisant un double dépassement en haut de la colline, sous la pluie... après avoir dépassé les limites de la piste à l'intérieur et à l'extérieur du virage.
Preuve que ces dégagements asphaltés affectent directement le spectacle. D'abord parce qu'ils créent des dépassements factices, comme celui du jeune Brésilien à Spa ou celui de Verstappen sur Hamilton à Bahreïn cette saison. Ensuite parce qu'ils offrent un droit à l'erreur au pilote qui ne colle pas tout à fait à l'essence de la course à ce niveau. Et qu'ils favorisent aussi les longues processions auxquelles nous avons parfois droit : augmenter la marge en piste réduit aussi l'écart entre les pilotes les plus talentueux et ceux qui le sont un peu moins.
Dans certains cas, ils peuvent même être contre-productifs : avoir plus de marge permet d'aller plus vite... donc d'augmenter la gravité d'un éventuel accident. "C'est la raison pour laquelle il faut arrêter avec ces dégagements en asphalte, et revenir au gravier ou à l'herbe, expliquait le multiple vainqueur des 24 Heures du Mans Loïc Duval au moment de commenter la scène de F3, sur Twitter. Les pilotes prennent des risques inconsidérés car ils se sentent en sécurité mais les standards FIA ne sont pas calculés avec ce type d'habitude."

Les pilotes ne les apprécient pas

Pour comprendre leur démocratisation, il faut revenir à leur utilité première : "Lorsque nous avons fait les enquêtes sur la sécurité, données à l'appui, au milieu des années 1990, nous avons défini que l'asphalte était la meilleure solution pour freiner les monoplaces", expliquait Charlie Whiting, ancien directeur de course décédé il y a deux ans, lors d'un briefing de pilotes où les dégagements faisaient déjà débat, en 2017. Autrement dit, ces dégagements permettent de réduire le risque "d'effet papillon".
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Le crash de Fernando Alonso au Grand Prix d'Australie 2016

Crédit: Imago

Tout le contraire des bacs à graviers, qui rendent imprévisibles, donc particulièrement dangereuses, les suites d'un accident à haute vitesse. Plus personne ne souhaite revoir un crash similaire à celui d'Alonso à Melbourne, en 2016, lorsque sa monoplace avait effectué plusieurs tonneaux dès son entrée dans la zone gravillonnée. L'évolution des normes de sécurité, mais aussi le partage d'un grand nombre des circuits de F1 avec d'autres disciplines, notamment le MotoGP, ont entraîné la multiplication des dégagements en asphalte.
Problème, ceux-ci sont aussi très impopulaires auprès... des pilotes. C'est l'une des raisons pour lesquelles le tracé de Zandvoort, qui accueillera le Grand Prix des Pays-Bas ce week-end, a pu éviter le lifting asphalté pour son retour au calendrier de la Formule 1. Après le passage d'un extrême à l'autre, place au compromis.
"La sécurité est devenue extrêmement importante en F1 mais j'espère vraiment que nous ne nous débarrasserons pas des dégagements en gravier à Zandvoort dans les deux virages très rapides, disait George Russell après l'annonce du retour du tracé néerlandais au programme. Car c'est ce qui rend ce circuit si intimidant, où il est si incroyable de piloter." Le vœu du pilote britannique a été exaucé. On lui souhaite de s'amuser. Au moins autant que samedi dernier.
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