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Coupe du monde 2023| Le fiasco des Wallabies vu de l'intérieur : "En Australie, le rugby à XV est un sport minoritaire"

Vincent Guiraud

Mis à jour 30/09/2023 à 10:09 GMT+2

L'Australie, opposée au Portugal dimanche à Saint-Etienne, est quasiment éliminée de la Coupe du monde 2023. Un cataclysme pour les Wallabies, doubles champions du monde. Pour comprendre ce fiasco historique, Pierre-Henry Broncan, coach des avants au sein du staff d'Eddie Jones, a accepté de répondre aux questions d'Eurosport. Le Français de 49 ans dresse le bilan de la compétition des Aussies.

La déception des Australiens, quasiment éliminés de la Coupe du monde 2023 après leur défaite face aux Gallois.

Crédit: Getty Images

Un frenchy au pays des Wallabies. Pierre-Henry Broncan, entraîneur de 49 ans passé par Toulouse et Castres, fait partie, depuis le mois de mai, du staff australien, aux côtés de son ami Eddie Jones. Les Wallabies, qui disputent dimanche face au Portugal leur dernier match de poule, après deux défaites face aux Fidji et au Pays de Galles, ne verront pas, sauf énorme surprise, les quarts de finale de la Coupe du monde 2023. Une première dans leur histoire et une énorme désillusion pour un pays double champion du monde. Les Australiens pourraient d'ailleurs être officiellement éliminés dès ce samedi en cas de victoire à 5 points des Fidji face à la Géorgie.
Un fiasco monumental vécu de l'intérieur par Pierre-Henry Broncan. L'entraîneur des avants, chargé des rucks offensifs au sein du staff australien, a accepté de dresser le bilan de cette compétition. L'ancien coach de Bath tente également de comprendre les raisons de cette historique sortie de route. Tout en revenant, en longueur, sur cette "expérience enrichissante" sur le point de s'achever.
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Pierre-Henry Broncan, membre du staff des Wallabies durant cette Coupe du monde 2023.

Crédit: Getty Images

Vous avez rejoint le staff de l'Australie en mai dernier. Comment vous êtes-vous retrouvé là, à moins de quatre mois d'une Coupe du monde en France ?
Pierre-Henry Broncan : En réalité, ça s'est fait très rapidement. Quand j'ai été démis de mes fonctions à Castres (en février, ndlr), le lendemain, Eddie Jones m'a contacté. Il était déjà en Australie et m'a demandé si ça m'intéressait de le rejoindre pour préparer la Coupe du monde.
Vous avez tout de suite dit oui ?
P-H.B. : Oui, je n'ai pas hésité une seule seconde. C'était vraiment une super opportunité de participer à une Coupe du monde avec une équipe comme l'Australie. Et le fait que la compétition se déroule en France, c'était également une facilité pour moi. Même si je suis allé passer quelques semaines en Australie, la compétition en France me permettait de ne pas être éloigné de mes proches et de mon Gers natal pendant trop longtemps.
Quelles sont vos relations avec Eddie Jones ? Vous êtes proches depuis plusieurs années ?
P-H.B. : J'ai rencontré Eddie quand j'étais entraîneur en Angleterre, à Bath (de 2018 à 2020 ndlr). Il était sélectionneur du XV de la Rose à l'époque. Il avait l'habitude de faire le tour des clubs pour voir les internationaux anglais. Le courant est tout de suite bien passé. On a discuté de rugby, il savait que j'étais français. On a eu un très bon feeling, notamment sur nos idées sur le jeu. Ça a matché de suite. On avait la même vision des choses.
Par la suite on est resté en contact. Même quand je suis revenu entraîner en France, on s'écrivait très souvent.

"Eddie Jones, c'est la précision ultime"

Vous vous imaginiez travailler un jour avec lui ?
P-H.B. : Non, pas du tout. Mais depuis le début j'ai senti qu'on avait plein de points communs. C'est quelqu'un qui était très demandeur d'information. Il me posait beaucoup de questions sur le jeu, sur le rugby en général. Il voulait également découvrir la mentalité française. Il était très intéressé et intrigué par le rugby français.
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Eddie Jones, sélectionneur de l'Australie.

Crédit: Getty Images

Comment pourriez-vous décrire la méthode Eddie Jones en quelques mots ?
P-H.B. : C'est la précision ultime. C'est quelqu'un de très travailleur, qui ne prend jamais de vacances. Il n'arrête jamais et est très à cheval sur le détail, très méticuleux. En plus de cela, il est très protecteur par rapport aux joueurs. Il essaie de les mettre dans les meilleures conditions. Il met plus de pression sur son staff que sur les joueurs.
Des coachs qui n'ont parfois pas toutes les connaissances nécessaires sur le rugby à XV
Quel est votre rôle au sein du staff pendant cette Coupe du monde ?
P-H.B. : Sur le papier, je suis responsable des rucks offensifs. Mais en réalité, j'ai mon mot à dire sur beaucoup d'aspects du jeu. Eddie est quelqu'un qui fait vraiment participer tout le monde. Je suis à côté de lui dans les séances collectives, on discute de tout. C'est très intéressant et enrichissant.
Dans ce staff australien, on a beaucoup de coaches venant du rugby à 13 ou du football australien, qui n'ont parfois pas toutes les connaissances nécessaires sur le rugby à 15. Notamment sur toutes les phases statiques. J'apporte mon éclairage là-dessus.

"On ne prépare pas une Coupe du monde en 4 mois"

Avec deux défaites en trois matches, l'Australie est quasiment éliminée de la compétition. Comment expliquez-vous cette désillusion historique pour le rugby australien ?
P-H.B. : Je pense que la leçon à retenir c'est qu'on ne prépare pas une Coupe du monde en 4 mois. On a voulu y croire mais ça ne marche pas. La Coupe du monde se prépare en 4 ans. L'exemple de la France est frappant. Les Bleus préparent ce rendez-vous depuis plus de quatre ans. La fédération avait même anticipé en intégrant Fabien Galthié dans le staff dès 2019.
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L'Australie, symbole d'un Sud est en train de perdre sa boussole ?

Crédit: Imago

Le Super Rugby, championnat dans lequel évoluent les clubs australiens et néo-zélandais, prépare-il suffisamment bien pour l'intensité d'une Coupe du monde ?
P-H.B. : Aujourd'hui les joueurs australiens font maximum 15 matches par an en Super Rugby. C'est trop peu. Et en plus ces matches sont souvent joués sans pression car il n'y a pas de système de relégation. C'est complètement différent du Top 14 ou de la Coupe d'Europe.
De plus, le départ des équipes sud-africaines depuis la crise du Covid a fait baisser l'intensité du championnat. Ces équipes-là étaient des équipes physiquement difficiles à jouer. C'était aussi un autre type de rugby que le jeu proposé par les clubs australiens ou néo-zélandais. Ça permettait aux joueurs australiens de se frotter à autre chose. Aujourd'hui, les Australiens et les Néo-Zélandais jouent le même type de rugby.
Sauf que le rugby néo-zélandais se porte moins mal que le rugby australien.
P-H.B. : Oui, les Blacks nous sont supérieurs. Tout simplement car la bas, le rugby à XV, c'est le sport roi. En Australie, c'est un sport minoritaire.
Je n'imagine pas l'équipe de France s'entraîner sur un terrain qui n'est pas fait pour le rugby à XV
Ça pose un vrai problème ?
P-H.B. : Oui, complètement. J'ai découvert ce problème en étant là-bas. J'ai été très surpris. Le XV est bien loin derrière le rugby à XIII, le foot australien ou même le cricket. On voit très peu de XV à la télé. Nos joueurs ont une vraie culture du rugby à XIII ou du football australien, beaucoup moins du rugby à XV.
Pour vous donner un exemple concret, on s'est très peu entraîné sur des vrais terrains de rugby à XV. Souvent en Australie, on jouait sur des terrains de cricket ou de rugby à XIII. C'est symptomatique du manque d'intérêt pour ce sport. Je n'imagine pas l'équipe de France s'entraîner sur un terrain de rugby à 13 sans les marquages au sol dont on a besoin pour le XV.
Qu'est ce qui a manqué à l'Australie au cours de cette Coupe du monde ?
P-H.B. : Quand on observe le déroulement de nos matchs, on se rend compte que souvent on débute pas trop mal. On marque en début de rencontre mais ensuite, quand les matchs deviennent tendus et qu'il y a un score serré, on n'y arrive pas. Les joueurs ne sont tout simplement pas habitués à jouer sous pression. Et dès qu'il y a 15 ou 16 points d'écart, on lâche complètement.
C'est ce qui se passe d'ailleurs souvent en Super Rugby. Quand une équipe démarre mal une rencontre, au bout d'un moment, les joueurs lâchent complètement. Et je n'ai pas l'impression que ça embête grand monde.
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Will Skelton (Australie) console ses coéquipiers après leur revers contre le pays de Galles, dimanche 24 septembre 2023. / Coupe du monde

Crédit: Getty Images

Comment l'expliquer ?
P-H.B. : L'Australie, c'est un pays magnifique, qui a une vraie culture sportive. Mais c'est aussi un pays où il fait peut être "trop" bon vivre. Les Australiens n'ont jamais de pression, que ce soit dans leur travail ou dans leur vie en général. C'est cette mentalité qui manque aujourd'hui à nos joueurs.

"Les Wallabies ne sont plus au-dessus de la mêlée physiquement"

Pourtant, l'Australie a été dans les années 1990 l'une des nations majeures du rugby. Les Wallabies ont remporté 2 des quatre premières éditions de la Coupe du monde (1991 et 1999).
P-H.B. : Oui mais en 1991 ou en 1999, quand les Australiens ont remporté leur deux titres mondiaux, ils jouaient très souvent contre des équipes, notamment les équipes européennes, qui n'étaient pas encore professionnelles. Les Australiens, de par leur culture sportive, sont des athlètes naturels. Dès le plus jeune âge, tout le monde fait du sport. A cette époque-là, les Australiens pouvaient profiter de leur supériorité physique pour compter parmi les grandes nations de ce sport.
Aujourd'hui, ça a changé. En France, même les joueurs de 3e division sont tous professionnels. Le gap physique entre les équipes du Vieux Continent et l'Australie s'est resserré et les Wallabies - et dans une moindre mesure les Blacks - ne sont plus au-dessus de la mêlée dans ce domaine.
L'Australie va grandir comme a pu le faire l'équipe de France
La sélection australienne est finalement dans une situation similaire à celle de la France il y a quatre ans, avec une équipe à relancer et un nouveau cycle de quatre années avant d'accueillir le rendez-vous planétaire, en 2027.
P-H.B. : Oui, exactement. Il y a vraiment un parallèle entre les deux équipes. Cette équipe australienne va grandir et se construire comme a pu le faire l'équipe de France ces quatre dernières années.
Qu'attendez-vous de ce dernier match face au Portugal dimanche à Saint-Etienne ?
P-H.B. : On a tous envie de faire un très gros match, de faire le meilleur match possible. On sait que ce sont les derniers moments que l'on passe ensemble. A l'intérieur du groupe, ça se passe très bien, malheureusement les résultats ne suivent pas.
La prochaine Coupe du monde commence peut-être dimanche à Saint-Etienne pour les joueurs. Tout le monde est focalisé sur ce dernier match. C'est un groupe très jeune. 90% des joueurs actuels seront de l'aventure en 2027. C'est un moment important que l'on va vivre ensemble.
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La déception des Australiens après leur match face au Pays de Galles.

Crédit: Getty Images

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