Après le sacre de Jannik Sinner : Darren Cahill, l'homme qui fait gagner des Grands Chelems

Pour une fois, c'est une récompense qui n'a pas mal vieilli. On ne dira pas que, ce dimanche, Jannik Sinner a donné raison aux votants ayant décidé de récompenser le duo Darren Cahill – Simone Vagnozzi comme coachs de l'année 2023. Au vu de la saison de Novak Djokovic – et par procuration de Goran Ivanisevic -, cela n'aurait pas grand sens. Reste que le duo a participé à l'ascension méthodique et patiente de l'Italien, sacré dimanche à Melbourne pour sa première finale en Grand Chelem.

Sinner ne s'est pas trompé à l'heure de rendre hommage à son équipe juste après la balle de match. Mais, dans les Avengers qui l'entoure, un homme mérite sans doute qu'on s'y arrête plus en détail. Parce que Cahill n'est pas novice à ce niveau, parce qu'il a permis à quatre joueurs (Lleyton Hewitt, André Agassi, Simona Halep et Sinner) de remporter des Majeurs à des époques ô combien différentes (2001, 2003, 2018, 2024) dans des styles vraiment pas comparables.

Arrivé à l'été 2022 aux côtés de Sinner, Cahill n'a rien révolutionné, n'a rien brusqué. L'Australien s'est fondu dans une équipe qui fonctionnait déjà très bien. "Honnêtement, mon rôle avec Jannik est un peu différent des rôles que j'ai eu par le passé et 99% du crédit doit revenir à Simone, expliquait-t-il à Melbourne, sous-entendant qu'il avait amené le 1% manquant, souvent crucial. Il a fait un job incroyable. Moi, je suis plus dans un rôle de superviseur. Bien sûr, on parle tactique ou technique mais c'est Simone qui a la main dessus. […] Une partie de notre boulot comme coach, c'est de l'aider à vivre certaines expériences et construire cette résilience."

Le mot fait sens à la vue du scénario de cette finale où Sinner n'aura jamais paniqué, n'aura jamais perdu sa boussole. A de telles hauteurs, d'autres auraient paniqué. Pas l'Italien. "Darren a tellement d'expérience, reconnaissait le champion après coup. Il a déjà connu ces moments plusieurs fois dans sa carrière". Et sait donc parfaitement les appréhender. Plus que le gourou tactique, Cahill est le grand sage qu'on consulte dans les moments importants pour des choses parfois anodines. "En fait, il a toujours un bon mot avant le match, après le match, il voit des choses que je ne vois pas forcément à cause de ma jeunesse", continuait ainsi Sinner dimanche.

"Le fait de regarder vers sa box et de voir quelqu'un comme Darren Cahill assis là, essayant de vous calmer, ça porte ses fruits, confirmait ainsi Lleyton Hewitt au média australien Nine. Je l'ai eu quand il était assez jeune, c'était mon premier entraîneur en tournée et j'étais son premier joueur en tournée. Il est arrivé à un stade différent de celui qu'il a atteint avec Jannik, mais il a acquis une telle expérience maintenant. Il a entraîné les meilleurs joueurs masculins, mais aussi féminins... C'est un type formidable et un bon gars à avoir à ses côtés. Je ne doute pas qu'il l'aurait beaucoup aidé au cours des trois ou quatre derniers jours, en le préparant à des matches énormes auxquels il n'avait jamais participé auparavant."

Sinner en a donc bénéficié, mais également l'équipe qui entoure l'Italien. "Il a ce caractère australien qui apporte de la tranquillité, se félicitait Vagnozzi dans les colonnes de La Repubblica. C'est un coach qui a déjà une certaine expérience : Hewitt, Agassi, Halep. Il aide à lire certaines situations de manière différente. Il confirme si nous sommes sur la bonne voie."

L'investissement consenti par Sinner, parce que c'en est pour débaucher Cahill à sa vie de consultant star pour ESPN, a fini par être récompensé. Mais l’Australien l'a suffisamment souligné après coup, la victoire de son protégé est avant tout collective. Bien sûr, c'est Jannik qui trouve les solutions sur le terrain. Mais, en dehors, toute la structure construite par l'Italien a permis cette fulgurante accélération ces derniers mois. En 2024, le tennis est un sport collectif et Sinner a peut-être le meilleur onze.

"Cette expérience est un peu différente pour moi car l'équipe est vraiment très proche, a d'ailleurs reconnu Cahill. Les Italiens, ils sont vraiment solidaires, ils sont ensemble, ils bossent ensemble, ils se marrent ensemble, ils profitent ensemble. Ce qui fait que l'environnement est incroyable. Tout le monde respecte tout le monde, personne n'est au-dessus des autres. […] Non, vraiment, ce groupe italien, c'est quelque chose de vraiment spécial. Je les aime à la mort. Ça ne fait qu'un an et demi que je bosse avec eux mais j'ai l'impression que je les connais depuis cinq ans."