Le coup droit de Carlos Alcaraz : "Je n'ai jamais vu un coup droit aussi fort, il est meilleur que celui de Djokovic"

A chaque fois, la même sidération. A chaque fois, les mots justes. Mark Petchey et Simon Reed sont commentateurs sur la version internationale d'Eurosport – après avoir été un coach à succès pour le premier - depuis de très nombreuses années. Ils ont vu défiler les talents, leurs spécificités et leurs armes fatales. Mais, avec Carlos Alcaraz, ils ont été soufflés, comme beaucoup. "Est-ce que c'est un coup droit ou un éclair ?", se demandait le premier après un missile hors sol envoyé par l'Espagnol lors de Roland-Garros 2022 face à Karen Khachanov. "C'est juste injouable", se marrait presque le second lundi après une claque monumentale contre le pauvre Miomir Kecmanovic, sans réponse face à une telle puissance.

On le comprend : "Carlitos" a parfois été flashé juste en-dessous des 170 km/h sur certains coups droits, notamment l'an passé à Wimbledon. "Sur le circuit, c'est peut-être le coup le plus dévastateur de tous actuellement", analysait Tim Henman après coup. Depuis son irruption sur le circuit, son sens du show, ses amorties, ses défenses dingues et ses prouesses de gamin ont été évoqués en détail. Mais la force première, brutale et évidente d'Alcaraz, c'est évidemment ce coup droit illisible qui lui offre toutes les variations possibles, ou presque.

"Son coup droit est vraiment très compliqué à jouer mais il a l'air si simple avec lui, continuait ainsi notre consultant. Il garde le haut de son corps très gainé mais la vitesse de sa tête de raquette est juste incroyable. Ça lui permet de varier : soit pour envoyer un point gagnant en rentrant dans le court, soit pour un lift qui lui permet de rester en vie dans les rallyes et prendre de la marge avec le filet. Et bien sûr, il y a les amorties où il passe juste en-dessous. Donc, en fait, il n'a aucune limite technique ou tactique."

Alors, quel est le secret d'Alcaraz ? L'Espagnol lui-même, comme s'il s'agissait d'un coup qui coule de source pour lui, a souvent feinté la question. En juillet dernier, il tentait la carte de l'humour à l'heure d'évoquer ses "bombes" : "Je ferme les yeux et j'espère que ça va rentrer. Je frappe aussi fort que je peux et je prie tout le temps". La mécanique est pourtant autrement plus complexe.

"Il commence son mouvement de coup droit très tôt, analysait ainsi Patrick Mouratoglou en mai 2022. Il positionne son corps et commence son mouvement de recul bien avant que la balle ne touche le sol. Sa préparation est courte et simple, ce qui lui donne beaucoup de temps pour se préparer à la balle et éviter d'être en retard. Il pousse la tête de la raquette avec sa main gauche, ce qui l'aide à faire pivoter tout le haut de son corps et à garder le contrôle de la raquette. Lorsque sa raquette est en arrière, son épaule gauche est alors alignée juste sous son menton."

L'arme est chargée. Ne reste plus qu'à appuyer sur la gâchette. Mais surtout viser. Fidèle à sa ligne de conduite concernant Alcaraz, Mats Wilander est resté circonspect lundi. "C'est compliqué pour moi d'analyser des choses que je ne comprends pas, a ainsi lancé notre consultant. Les zones choisies par Alcaraz sont franchement inhabituelles. Face à Kecmanovic, il a attaqué à 63% sur son coup droit. Normalement, c'est le point-fort de la majorité des joueurs".

Sa puissance de feu est telle qu'au fond, l'Espagnol n'a pas spécialement besoin de réfléchir. Il impose le rapport de force, le reste vient après… si d'aventure la balle revient. "Il frappe la balle si fort que personne ne s'attend à ce genre de tennis parce que personne d'autre ne le fait, complète ainsi Wilander. Djokovic y va parfois mais il y a rarement des points gagnants sur les coups droits adverses parce qu'il est possible de s'étendre et de défendre beaucoup mieux que sur le revers. Mais l'accélération est tellement incroyable que... En termes de technique, je n'ai jamais vu un coup droit aussi fort, je pense. Pour moi, il est meilleur que celui de Djokovic ou que celui de Nadal." Autrement dit : les commentateurs n'ont pas fini de s'émerveiller, le circuit n'a pas fini d'être bombardé…