Liège-Bastogne-Liège : Tadej Pogacar a tout ce qu’il faut pour reconquérir la Doyenne

Il y a d’abord eu un premier flirt plutôt timide, en 2019. Puis, l’année suivante, un rendez-vous manqué de peu. Enfin, en 2021, Tadej Pogacar a conclu. Cette année-là, le futur double vainqueur du Tour de France s’est offert Liège-Bastogne-Liège pour la première fois, en coupant la ligne quelques centimètres seulement devant le malheureux Julian Alaphilippe. Le début d’une belle idylle, entre l’impétueux glouton slovène et la Doyenne des classiques ? On aurait pu le croire, tant la silhouette de cette dernière sied parfaitement aux qualités du phénomène de Komenda. Pour le moment, l’histoire ne suit cependant pas le cours d’un long fleuve tranquille.

Absent en 2022 pour raisons personnelles, "Pogi" était de retour sur les routes ardennaises un an plus tard, bien décidé à reconquérir sa promise. Un vilain gadin, causé par un nid de poule, a toutefois réduit ses espoirs à néant. Mais il en aurait fallu davantage pour le refroidir. Ce dimanche, le coureur d’UAE Emirates sera bel et bien au départ de Liège. "C’est l’une de mes courses favorites, et aussi l’une des plus difficiles", a-t-il reconnu dans un communiqué publié par son équipe. L’ambitieux prétendant est bien placé pour savoir que la plus ancienne des classiques ne se laisse pas étreindre par n’importe qui. Il a néanmoins tous les atouts requis pour la séduire à nouveau.

Quasiment indomptable en 2024, en attestent son succès sur les Strade Bianche et sa démonstration au Tour de Catalogne (quatre victoires d’étape, en plus du général), Pogacar s’avance en grandissime favori du rendez-vous dominical. Déjà parce que certains de ses principaux rivaux ne seront pas là. À commencer par Remco Evenepoel, double tenant du titre et forfait après sa violente chute au Tour du Pays basque, il y a deux semaines. Tombé au même endroit, Primoz Roglic - sacré à Liège en 2020 - a également dû renoncer. Quant à Wout Van Aert, lui aussi bien occupé à panser ses plaies, il n’avait de toute façon pas prévu de se rendre en Wallonie ce week-end.

Bien sûr, il reste encore du beau monde, à l’image de Tom Pidcock, récent vainqueur de l’Amstel Gold Race, ou d’une colonie française qui a plutôt fière allure (Benoît Cosnefroy, Romain Grégoire, Paul Lapeira…). Mais le grimpeur à la mèche rebelle devra, a priori, surtout se méfier de Mathieu van der Poel. Le Néerlandais débarque sûr de sa force, après s’être adjugé le Tour des Flandres et Paris-Roubaix ces dernières semaines. Sur le papier, le duel Pogacar-MVDP fait saliver. Il risque malgré tout de tourner court.

"Sur le Ronde comme à Roubaix, Van der Poel a usé beaucoup de forces, rappelle Philippe Gilbert, consultant Eurosport. Il a fait de gros efforts, avec de longues échappées solitaires, qui demandent énormément d’énergie. Ce n’est pas comme s’il avait gagné au bout d’un sprint à cinq." Dimanche dernier, le champion du monde a en plus ajouté l’Amstel à un menu déjà très copieux. Pas dans le coup (22e), il aurait peut-être mieux fait de s’abstenir. "Il aurait dû renoncer à courir l’Amstel, afin de se concentrer sur des entraînements spécifiques pour Liège, juge Gilbert, vainqueur de la Doyenne en 2011. S’il avait fait ce choix, il aurait eu ses chances, mais là, je n’y crois pas."

Le prodige slovène pourra en outre compter sur une équipe qui lui est entièrement dédiée et très bien huilée, comme elle l’a prouvé à plusieurs reprises depuis le début de l’année. "Je suis très fier des performances de l’équipe cette saison, a souligné Tadej Pogacar. Nous avons bien travaillé ensemble sur Milan-Sanremo (3e à l’arrivée, ndlr) et les Strade Bianche. Nous aurons besoin de la même unité et de la même résilience ce week-end." Charge à l’expérimenté Diego Ulissi, au renaissant Marc Hirschi ou encore au fidèle lieutenant Joao Almeida de répondre aux attentes de leur leader.

La stratégie de la troupe émiratie sera scrutée de près. Philippe Gilbert, lui, a déjà une idée à soumettre. "Si j’étais Pogacar, avec une équipe aussi forte que la sienne et ses qualités de grimpeur, j’imprimerais un très gros tempo dans le dernier tiers de la course, suggère le champion du monde 2012. Pas avant, parce qu’au début, ça ne sert à rien d’user son équipe. Il vaut mieux mettre tout le monde à la limite en montant les 7-8 dernières ascensions très rapidement. Là, l’élimination sera naturelle." Avant d’ajouter : "Au moment où Pogacar attaquera, plus grand monde ne sera capable de répondre."

Dernier élément à garder en tête, et pas des moindres : après avoir eu un impact considérable sur le déroulement de la Flèche Wallonne, mercredi, la météo devrait à nouveau faire des siennes en fin de semaine. La pluie, le vent et le froid pourraient se mêler à la fête et perturber les projets de certains. En revanche, cela ne risque pas de déranger "Pogi", à son aise dans des conditions climatiques ingrates, comme il l’avait notamment démontré sur la deuxième étape du Tour de Catalogne. Ce n’est donc pas ça qui, a priori, risque de l’empêcher de lever à nouveau les bras sur Liège-Bastogne-Liège. Et reprendre, par la même occasion, le cours de l'idylle entamée il y a trois ans.