Paris-Roubaix 2023 : Odeur de soufre et doux parfum d'incertitude avant l'Enfer du Nord

L'argument de vente a changé. Dimanche dernier, le Ronde était la promesse d'une explication royale entre trois superstars du peloton. Et tant pis pour les espoirs du commun des mortels. Promesse tenue, avec la démonstration de Tadej Pogacar, vainqueur de son duel face à Mathieu Van der Poel. Seul Wout van Aert, 4e, a privé de peu les parieurs d'un attendu tiercé gagnant. Une semaine plus tard, c'est au contraire par le grand nombre de candidats au sacre que ce Paris-Roubaix est alléchant.

L'Enfer du Nord est fait pour les guerriers. Il sait récompenser les valeureux outsiders : Mathew Hayman en 2016, Johan Vansummeren en 2011 et Magnus Backstedt en 2004 ont ainsi déjoué les pronostics, à des degrés divers. Les secteurs pavés du nord de la France, généreux en incidents mécaniques, sont propices aux surprises. Longs et plats (54,5 km au total cette année), ils sont plus enclins à sacrer un colosse que ne le sont les monts flandriens, sélectifs différemment, par leur déclivité.

Ce sentiment d'inconnu, à l'aube du coup d'envoi du troisième Monument de la saison, résulte aussi de l'identité des deux références de cette génération, sur les pavés : Mathieu Van der Poel et Wout van Aert. Tous deux n'ont jamais triomphé dans le vélodrome, en deux tentatives pour le Néerlandais et quatre pour le Belge. Le Tour des Flandres est le jardin de "MVDP" (quatre podiums, deux victoires) et le passeport pour la gloire nationale de "WVA" (2e en 2020). Roubaix semble moins leur convenir.

La différence est marginale. Les inséparables cyclo-crossmen ont des allures de clients récurrents, sur la Reine des Classiques aussi. Mais ils n'ont jamais semblé être en mesure de la dominer outrageusement. Quand sur le Ronde, la concurrence doit se creuser la tête ne serait-ce que pour exister… à une flamboyante exception slovène près. Les plus belles heures du duel entre Tom Boonen et Fabian Cancellara paraissent loin. Van der Poel et Van Aert (28 ans) ont ceci dit le temps d'y remédier.

On ne passe tout de même pas du jour à la nuit, d'Audenarde à Roubaix. En l'absence de Tadej Pogacar, la perspective d'une opposition entre Van der Poel et la surpuissante Jumbo-Visma de Van Aert, "seulement" arbitrée par une pléiade d'autres prétendants, aurait pu faire un joli produit d'appel. Si la course semble si ouverte, c'est aussi parce que Van Aert se plaint de douleurs causées par une chute lors du Ronde et que Dylan van Baarle – tenant du titre, excusez du peu – n'a plus couru depuis deux semaines.

Le Néerlandais de 30 ans, venu renforcer l'armada jaune et noire après avoir été couronné chez INEOS, est également tombé, lors du GP E3. C'est peut-être la chance de la vie de Christophe Laporte, troisième homme d'autant plus susceptible de grimper dans la hiérarchie en interne… mais c'est peut-être aussi celle de Mads Pedersen, 3e du Tour des Flandres après une échappée fantastique.