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Real Madrid - 2009, les Galactiques II : City-Berlusconi-Ballon d’Or, trio royal pour Kaká

Cyril Morin

Mis à jour 12/09/2019 à 16:00 GMT+2

Hazard, Jovic, Mendy, Militao avant Pogba ou Mbappé ? Cet été, le Real Madrid est le grand animateur du mercato. Il y a dix ans, en 2009, la Casa Blanca avait déjà sorti la planche à billets pour remettre le plus grand club du monde sur le devant de la scène. Retour en cinq volets sur le mercato le plus marquant de l’histoire du Real Madrid. Episode 3.

Kaká en 2009 lors de sa signature au Real Madrid

Crédit: Eurosport

Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Mais leur parfum est si enivrant, si entraînant, qu’elles deviennent rapidement entêtantes. Et la raison s’efface au profit du rêve, même le plus fou. Avec le mercato, la règle s’applique peut-être encore plus qu’ailleurs. Un nom lâché et tous les scenarii sont dessinés, faisant fi d’obstacles pourtant bien réels. Il faut faire avec quand on dirige un club. Surtout la multinationale Real Madrid.
De son trône royal au sein de la Casa Blanca, Florentino Pérez n’a jamais eu de mal avec ce jeu médiatique-là. C’est même l’inverse. Il est l’homme qui rend l’impossible possible pour tous les socios d’un club en piteux état en 2009. La crise est passée par là ? Le Barça est devenu la place forte du football mondial ? Peu importe. Dès son retour au pouvoir, c’est une effusion d’impatience qui émane de la capitale espagnole. Qui sera LE premier nom dévoilé par le nouveau boss ? Comme en cette année 2019, le centre névralgique du mercato se situe à Santiago-Bernabéu.
"Nous construirons une équipe spectaculaire, avec des joueurs indiscutables, du monde et d'Espagne, avait détaillé le candidat Pérez en mai 2009. Nous avons mis sur pied un projet sportif fort et stable qui comptera avec des footballeurs qui feront de chaque match du Real Madrid un rendez-vous fascinant". La presse espagnole s’en donne alors à cœur joie. Dans le désordre : Cristiano Ronaldo, Franck Ribéry, David Villa, David Silva, Karim Benzema, Xabi Alonso ou Kaká. Alors que c’est le Français du Bayern Munich qui fait les gros titres, présence de Zinédine Zidane dans l’organigramme madrilène oblige, c’est bien le Brésilien qui sera l’heureux élu. Le LA d’une symphonie bling-bling sur le marché.
Le bling-bling, c’est pourtant tout ce qu’exècre Ricardo Izecson dos Santos Leite. Lui le gamin de bonne famille de la banlieue chic de Sao Paulo, le Brésilien bon sous tout rapport qui n’a aucune légende accolée à son histoire personnelle autre que celle qu’il envisage de créer balle au pied. Kaká, c’est l’immaculé meneur. Tête haute, short propre et cannes de feu. C’est surtout celui qui affole un monde si éloigné de sa croyance évangélique.
Kaká et son T-shirt "I Belong to Jesus" après le sacre de l'AC Milan lors de la Ligue des champions 2007

L’offre "venue de nulle part"

Le temps a dégradé nos souvenirs. Mais il faut se rappeler quel footballeur était Kaká en 2009. Depuis son arrivée en 2003 au Milan AC, après avoir envisagé un prêt au PSG soit dit en passant, le Brésilien n’a fait que monter en puissance. Pour devenir l’un des meilleurs joueurs du monde. Le meilleur même lors de l’année 2007 selon les journalistes participants au vote du Ballon d’Or.
Après une campagne de Ligue des champions exceptionnelle – n’est-ce pas messieurs Fletcher, Evra et Heinze -, le Brésilien succède à Fabio Cannavaro au palmarès du prestigieux trophée individuel. Jusqu’à Luka Modric en 2018, il restera près de dix ans le dernier joueur à l’avoir soulevé avant l’avènement du duo Messi-Ronaldo. Ça vous pose un homme. Kaká, c’est donc la crème de la crème. Et c’est le club milanais qui en profite chaque semaine.
Forcément, cela fait tourner des têtes. Le Real, déjà, propose 90 millions en 2007 au Milan. Refus catégorique des Rossoneri, encore une des places fortes du football européen à l’époque. Le contact est gardé. Mais c’est bien d’Angleterre que la pression se fait la plus forte. Eté 2008 : Chelsea, nouveau géant européen au portefeuille très garni, s’approche du but avec une offre de 100 millions dans les cartons et des conditions salariales qui ravissent Diogo Kotscho, le conseiller du joueur, qui en parle ouvertement au Guardian.
Côté milanais, on fait encore la sourde oreille. Mais l’évidence commence à apparaître du côté de Milanello : Kaká est une mine d’or qu’il faudra songer à exploiter autrement que sur le terrain. Avec un transfert. Ronaldinho est arrivé et cela fait un meneur brésilien à haut salaire de trop dans le vestiaire. Le scénario semble écrit : le numéro 22 du Milan AC va rapidement garnir les caisses du club contre son gré.
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Kaká doit se faire une raison : en 2008, son club de coeur veut le vendre

Crédit: Getty Images

Vient cet hiver 2008. Alors que Madrid s’enfonce dans la crise, symbolisée par l’arrivée de Julien Faubert, la cote d’alerte est à son summum outre-Manche. Passé sous pavillon émirat, Manchester City se construit un projet XXL avec l’enveloppe qui va avec. Les Citizens cherchent leur nouvelle tête de gondole. La suite est racontée par Kaká himself.
"Je m’en souviens comme si c’était hier, avait-il détaillé à Four Four Two en 2017. J’étais chez moi et le téléphone a sonné. Mon père était à l’autre bout du fil et semblait excité. Il m’explique qu’une équipe en Angleterre, Manchester City, a fait une offre énorme pour moi. Avant même que je puisse avoir quelque chose à dire, il m’explique que Milan se préparait à accepter l’offre. Je n’avais absolument pas conscience que City avait un intérêt pour moi avant qu’ils fassent cette offre officielle au Milan".
La machine médiatique se met en branle et est, elle aussi, prise d’un tournis inattendu. 120 millions d’euros d’indemnité, un salaire de 28 millions d’euros annuel : le transfert du siècle est en passe d’être signé dans un mercato hivernal, d’habitude si calme pour les gros bonnets. "L’offre venue de nulle part", selon les dires de Kaká prend tout le monde de court.
Le joueur en premier lieu. Qui demande un temps de réflexion. En instance de départ, il est pourtant utilisé par Carlo Ancelotti pour un match à San Siro face à la Fiorentina. "La Kakámania" s’empare du stade qui réclame à son enfant chéri de rester à la maison. Lui qui se rêve en éternel milanais est touché. Et, puis, ce City n’est pas encore au niveau de son ambition. "On me demandait de passer d’un des clubs les plus historiques et prolifiques en Europe à une équipe qui n’en était qu’au début de son nouveau projet et dans laquelle j’allais être le premier grand joueur, avait-il détaillé après coup. C’était plus prudent de rester au Milan AC". Pas pour très longtemps. La concurrence anglaise écartée, le Real est désormais seul en piste sur le dossier.
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19 janvier 2008 : des fans de l'AC Milan protestent contre la vente annoncée de Kaká à Manchester City

Crédit: Getty Images

Le mensonge de Berlusconi, les larmes de Galliani

Ah, l’Italie du football. Ses tifosi, sa passion mais aussi ses émissions de foot incroyables où les journalistes ne sont jamais avares d’excès et de provocation. Cela tombe bien, la télé c’est le grand dada de Silvio Berlusconi, président de l’AC Milan et, accessoirement président du Conseil italien à l’époque. La plus haute responsabilité démocratique de l’autre côté des Alpes. Mais Berlusconi n’adore rien d’autre que basculer d’un costume à l’autre.
Le 25 janvier 2009, c’est lui qui annonce de manière surréaliste la décision de Kaká de rester à Milan. En s’invitant à la dernière minute au micro de 7 Gold, dans l’émission "Il processo di Biscardi". Avec en prime, des larmes de joie ou presque pour Tiziano Crudeli, journaliste supporter, en direct sur la télévision. Tellement italien.
Politicien, Berlusconi l’est de nature. Populiste aussi, un peu. Beaucoup même. Trouver les mots pour promettre de soigner les maux, c’est son ADN. Alors, quand il peut s’offrir une popularité à moindre frais, il n’hésite surtout pas. Et en rajoute beaucoup. Parfois trop. Dans la foulée de cette annonce, il s’occupe aussi du service après non-vente, n’y allant pas de main morte en affirmant d’emblée que c’était "comme si Milan gagnait à nouveau la C1".
Après un long plaidoyer émotif sur l’amour respectif que se portent Kaká et l’AC Milan, il promet que le Brésilien s’est engagé à rester pour de nombreuses années encore. Même si le Real Madrid repasse à l’attaque ? "Le Milan et lui ont déjà dit non au Real par le passé, balaie-t-il. Je ne vois aucune raison d’en changer. Et puis son attachement à notre maillot semble éloquent…". Un mensonge. Car, en coulisses et très rapidement, le départ du Brésilien pour devenir la première étoile du Real se dessine concrètement.
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Loquace et séducteur : Silvio Berlusconi sur un plateau télé italien

Crédit: Getty Images

Ne t’inquiète pas Jorge. Nous allons attendre qu’il coûte 60 millions d’euros
Dès le mois de mars 2009, c’est un Florentino Pérez pas encore président ni même candidat qui rencontre Adriano Galliani, administrateur délégué de l’AC Milan et bras droit de Berlusconi. Le Brésilien est évidemment au centre des discussions. Et la tendance se dessine déjà assez nettement lorsque le dirigeant milanais lâche une petite phrase pleine de sous-entendus. "Je ne veux pas parler de Kaká, glisse-t-il d’abord. Mais ce que je peux dire c’est qu’avec des amis comme Florentino, tout peut devenir possible".
Surtout que le Milan cherche absolument des fonds. Missionné par Berlusconi, c’est l’éternel bras droit chauve milanais qui traite le dossier en direct. Non sans émotion. Car entre Kaká et lui, c’est une relation fusionnelle. La légende raconte que c’est en larmes que Galliani a fini par signer les documents de cession du joueur au Real. La dure loi du mercato : pas de place pour les sentiments, seulement pour les gros sous.
Le 8 juin 2009, Kaká devient officiellement un joueur du Real Madrid. Contre 67 millions d’euros et un contrat de six ans. Une semaine seulement après son retour à la tête de la maison merengue, Pérez tient donc un nouveau Ballon d’Or dans son escarcelle. Après Figo, Zidane, Ronaldo, Owen. Un besoin pour le boss madrilène qui n’hésite pas à sortir les liasses de billets immédiatement.
C’est Jorge Valdano, directeur sportif, qui exprime le mieux cette tendance avec une anecdote assez folle concernant le Brésilien au micro de la Cadena Ser des années après les faits. "En 2002, lorsque le Real Madrid fêtait son centenaire, nous avons organisé une rencontre entre stars mondiales et le Real Madrid, recontextualise l’Argentin. J’ai eu l’idée d’appeler Kaka. Il est venu et il a joué les vingt dernières minutes d’une manière fantastique. À la fin du match j’ai parlé avec Florentino et je lui ai dit : ‘Nous avons ici un joueur qui vaut 12 millions d’euros maintenant et qui dans quatre ans va en valoir 60’. Pour moi, la réponse de Florentino Pérez est inoubliable : ‘Ne t’inquiètes pas Jorge. Nous allons attendre qu’il coûte 60 millions d’euros’".
Sept ans plus tard, le boss madrilène tient promesse. Pour une somme équivalente ou presque. En 2006, Kaká était une promesse de Ramon Calderon faite aux socios pour briguer la présidence. Trois ans plus tard, c’est Pérez qui récupère la mise. Celui a refusé de prendre le numéro 5 de Zidane pour fuir la pression se présente le 30 juin à son nouveau public. 50 000 personnes se sont massées dans un Santiago-Bernabéu qui clame son amour au nouveau président.
"Kaká est le type de joueurs que n’importe quelle équipe de foot au monde souhaiterait avoir et Madrid a eu la chance de l’avoir, souffle un Pérez clairement pas rassasié. On travaille pour monter une belle équipe, une très belle équipe et cela vient juste de commencer". Le boss madrilène ne croit pas si bien dire. Car si Kaká est le premier Galactique à rejoindre le Real en cet été 2009, les socios madrilènes bruissent déjà d’un nouvel arrivant, d’un tout autre calibre : Cristiano Ronaldo.
Rendez-vous jeudi pour le quatrième épisode de notre série d’été sur le mercato XXL du Real Madrid en 2009.
(Visuel de Une : Quentin Guichard)
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Cristiano Ronaldo et Kaká tout sourire en 2009

Crédit: Getty Images

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