Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Avant RC Lens - OL : Le stade Bollaert encore à guichets fermés, fierté régionale, trésor national

Cyril Morin

Mis à jour 02/10/2022 à 10:30 GMT+2

LIGUE 1 – Depuis le retour du RC Lens dans l'élite, la Ligue 1 a redécouvert une ambiance à part : celle de Bollaert. Ici, fidélité rime avec ferveur. Là où certains monuments français ont traversé de sacrées secousses quant à leur identité ces derniers mois, le Racing semble être à l'abri de ces péripéties, à l'image de la soirée magique vécue au moment de la prolongation de Seko Fofana.

Des supporters lensois déplient leurs écharpes à Bollaert, en août 2022

Crédit: Getty Images

"Je crois, mais je ne suis plus sûr, que c'est le 12e match d'affilée". A force, Sylvano a presque arrêté de compter. Le speaker du RC Lens le pronostique déjà : ce dimanche, face à l'OL (20h45), Bollaert sera à guichets fermés. Encore et toujours. La saison passée, ce sont plus de 36 000 fans en moyenne qui sont venus assister aux matches dans l'enceinte de l'avenue Alfred-Maës. Mieux, au moment de faire le bilan 2021-2022, Bollaert figurait au 2e rang des enceintes les plus remplies à l'année, avec Clermont et Strasbourg (95%). Devant, le Parc des Princes (99%) dont la population ne ressemble plus uniquement à des supporters, beaucoup plus souvent à des spectateurs.
Mais Bollaert, c'est quoi ? Et c'est qui ? Bollaert, c'est d'abord une expérience, répondent en cœur toutes les personnes interrogées. "J'en ai fait des stades, Séville, Liverpool… au Bayern ou même le derby de Milan, énumérait récemment Adil Rami sur son compte Snapchat. Des ambiances de dingue. Mais Bollaert, tu ne peux pas l'acheter ni l'apprendre à un public ! C'est beau. Pourtant, je me suis fait allumer mais ça fait partie du jeu". "C'est top de sa part de dire ça, surtout en tant qu'ancien Lillois. C'est encore mieux quand c'est un adversaire qui dit ça", sourit Eric Sikora, mythique joueur puis entraîneur des Sang et Or et habitué des lieux.
"Si je devais résumer Bollaert en un mot ? A faire, tout simplement, poursuit-il. Ça se vit. J'ai eu des gens qui me parlaient de l'ambiance derrière leur TV mais je leur ai dit : 'il faut venir au match pour comprendre, pour voir les chants, voir les couleurs, voir les après-match'". "Quand tu mets les pieds là-bas pour la première fois, tu as envie de revenir toute la saison, complète Eloïse de Mester, journaliste pour Lensois.com. Pendant les matches, je pars souvent faire des photos et je suis au bord du terrain. A gauche, à droite, devant, derrière : les tribunes sont toujours pleines et les mecs hurlent. C'est hyper impressionnant. A chaque fois que je me suis assise derrière les publicités, ça vibre. En fait, le stade tremble. Il y a tellement de cris, de chants, d'encouragements que ça vibre même dans le sol".
picture

Le stade Bollaert, une expérience à part entière

Crédit: Imago

22 000 personnes face à … Quevilly-Rouen

Depuis la remontée des Nordistes en L1, les sourires s'accumulent et les chants redoublent d'intensité. Mais n'allez pas croire que c'est uniquement la litanie de bons résultats qui a redonné vie à Bollaert. En réalité, c'est la première caractéristique de ce stade hors du temps : la fidélité des siens.
"Ce qui me marque dans l'ADN de ce public, c'est cette faculté à prendre les vagues, prendre les mauvais coups mais à rester derrière le club, témoigne Grégory Lallemand, journaliste à la voix du Nord et auteur de "RC Lens, Secrets de transferts". Attention, ça ne veut pas dire que c'est un public de béni-oui-oui. Mais, en dépit des années de galère, les gens restent fidèles. Par exemple, en 2017, Lens commence sa saison avec zéro point en sept matches en L2. Ils reçoivent Quevilly-Rouen, qui est dernier également, un lundi soir et il y a 21 000 personnes à Bollaert ! La spécificité de Lens est là. Ça fait déjà deux ans de L2, une montée en L1 qui s'est envolée à la dernière minute à la faveur d'Amiens, un début de saison cauchemar et pourtant il y a encore 21 000 personnes au stade…".
Heureux hasard, ce Lens - Quevilly-Rouen de 2017 est le premier match de Franck Haise comme salarié du RC Lens, d'abord comme entraîneur de la réserve. "Il n'y a pas beaucoup de clubs en France où ça existe. Il n'y en a pas d'autre en fait… Avec les chants, les Corons, je me dis 'je suis dans un club différent'. J'ai la chance d'être dans un club différent !", se réjouissait-il au moment d'évoquer l'épisode pour Winamax.

Famille, territoire et tarifs populaires

Différent et donc terriblement attachant. Cette fidélité résulte de nombreux facteurs. D'abord, la sociologie. Le RC Lens est une affaire de famille, comme dans de nombreux clubs populaires de France. "J'ai baigné dedans depuis tout petit, rembobine Jean-Christophe Demarey, alias Senec, président-fondateur des Bollaert Boys depuis 1994. Dans ma famille, on a le passé avec les mines, mon grand-père était mineur. Ma grand-mère allait enceinte de ma mère au stade, ma mère allait enceinte de moi au stade et ma femme est allée au stade quand elle était enceinte de notre première fille. C'est de génération en génération. L'esprit familial est là, on se fait tous la bise au stade".
picture

La tribune Marek au stade Bollaert de Lens

Crédit: Getty Images

Bollaert, c'est aussi un ancrage territorial. "On dit souvent que Lens est une ville de 35 000 habitants où il y a 35 000 spectateurs au stade, explique Grégory Lallemand. C'est une caricature car cela reste un gros bassin de population. Mais ce qui est fort avec le RC Lens, c'est son rayonnement géographique. Vous avez des sections de supporters à Paris, dans les Ardennes, en Normandie". On vient de partout, et parfois de loin. "Nous, on est basé sur la Côte d'Opale, à 110 km de Lens. A chaque match à Bollaert, on met 1h30 à l'aller, 1h30 au retour", confirme Senec.
Le dernier facteur est économique : face à l'OL ce dimanche, certaines places étaient disponibles pour 13 euros. Face à Toulouse ou Clermont, 9 euros. Bollaert reste l'un des derniers bastions d'un football vraiment populaire en France. Un choix politique des dirigeants, sans doute guidé par les choix passés de Gervais Martel, autant qu'une nécessité. "Le club n'est pas fou : il sait que s'il existe encore, s'il a autant de visibilité auprès de ses partenaires, c'est aussi grâce à ça, avance le journaliste de la Voix du Nord. Le remplir avec ce Kop atypique, c'est l'occasion de dire que le club existe toujours, indépendamment du niveau".
"Quand on arrive en juillet, que certains gagnent 1 200, 1 300 euros, la majorité d'entre eux disent qu'il est hors de question de faire une croix sur l'abonnement ou sur le maillot, complète Eloïse de Mester. En fait, dans leur budget, il y a toujours une part prévue au RC Lens et aux échéances à venir. C'est impressionnant de voir parfois des gens qui sont dans une galère monstrueuse mais qui refusent de faire des concessions concernant le RC Lens".

L'identité au cœur du nouveau projet

Mais tous ces atouts, encore faut-il savoir les utiliser. Là où l'OM, Nantes, Bordeaux, Nîmes voire le Red Star ont subi de graves crises d'identité ces dernières années, Lens a réussi le virage tant redouté : devenir un club moderne sans renier ses origines. Le grand mérite de l'équipe dirigeante actuelle se situe là. D'abord accompagné par Martel, Joseph Oughourlian, à la tête d'Amber Capital, a finalement décidé d'embrasser le rôle de président en 2018.
"On a eu la chance de tomber sur Joseph Oughourlian qui est tombé amoureux de ce club-là et de la région, avance Eric Sikora. C'est peut-être la différence avec d'autres qui pensent davantage business. Le président, on ne le voit pas beaucoup mais il a mis les personnes à la bonne place et il fait tout pour que ce club continue de progresser d'années en années". A Lens, les hommes forts sont multiples, de Florent Ghisolfi, coordinateur sportif à l'origine de nombreux coups sur le mercato, à Franck Haise, coach qui a su comprendre les attentes autour du club et du jeu.
picture

Panique à Nice, jolis coups de l'OM : Notre carnet de notes du mercato de L1

Mais s'il fallait en choisir un, ce serait sans doute Arnaud Pouille, directeur général nommé par Oughourlian. "Au club, il y a des garde-fous. La force d'Arnaud Pouille, qui est un type du territoire, vient aussi de là, rappelle Grégory Lallemand. C'est celui qui incarne Lens : il a fait basculer le club dans la modernité mais c'est aussi quelqu'un qui est né à Auchel, qui connaît le RC Lens depuis tout jeune, qui est allé à Bollaert. Le jour où les dirigeants oublient où ils sont, le public sera là pour lui rappeler".
Visiblement, jusqu'ici, le pari est réussi. "Même en comparant avec la grande époque du RC Lens, ces valeurs-là étaient peut-être un peu moins mises en avant même si les résultats étaient encore meilleurs. Aujourd'hui, on se reconnaît dans cette équipe, dans ce club", avoue Sylvano, ancien capo des Red Tigers 1994 devenu speaker de Bollaert. Pouille ne disait pas autre chose en juin dernier auprès de L'Equipe : "les supporters ne veulent pas forcément du pouvoir mais que le club reste tel qu'ils l'aiment, expliquait-il alors. Ils ne veulent pas perdre leur identité. C'est leur passion et ils y tiennent. C'est ce que l'on ressent avec l'épisode du rachat du Red Star". Des mots et des actes, à l'image de cette folle soirée vécue le 31 août dernier, au moment d'officialiser la prolongation de Seko Fofana.
"C'est la plus belle cérémonie que j'ai pu voir dans un stade de toute ma vie, lâche la journaliste de Lensois.com. Il faut se remettre dans le contexte : il y a eu du suspense pendant tout le mercato. Il est blessé et est donc absent du groupe pour le match. Finalement, Lens gagne largement (5-2). Et là, le stade s'éteint. Tu vois juste le directeur sportif et le directeur général qui débarquent avec une table et trois chaises. Quand Seko Fofana arrive, c'est le noir complet, il y a simplement les lumières des téléphones. C'est sensationnel. Ça a hurlé son prénom toute la soirée et je n'ai pas vu un supporter quitter le stade au coup de sifflet final". Une soirée magique et un sacré message : Bollaert et le RC Lens sont prêts à accueillir l'Europe à nouveau. Histoire de refaire trembler un stade qui mérite de vibrer.
picture

Les supporters du RC Lens allument leur lumière de téléphone au moment de l'annonce de l'annonce de la prolongation de Seko Fofana

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité