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Ce que Wigan peut apprendre à Barcelone avant le retour face à Manchester City

Philippe Auclair

Mis à jour 14/03/2014 à 11:41 GMT+1

Densité, défense à trois, audace : Wigan a montré la voie à suivre pour mettre à mal City. Et si Barcelone, dans une période délicate, s'en inspirait pour conserver son avantage acquis en huitièmes de finale aller de la Ligue des champions ?

Auclair Wigan City

Crédit: Eurosport

"Tata" Martino a dû passer des dimanches plus agréables que celui du 9 mars. Cette défaite de la veille à Valladolid était bien plus que la seconde d’affilée en Liga pour Barcelone hors de ses bases. Un cauchemar, une horreur. "Le plus mauvais match du Barça depuis la fin de l’ère Rijkaard", a-t-on pu lire dans la presse castillane, et pire encore en Catalogne: "Les joueurs ont jeté la Liga à la poubelle… nous avons honte d’eux !", tonnait Sport, pourtant connu pour sa fidélité, voire son inféodation au club de Lionel Messi, lequel n’a pas vomi, cette fois. C’était à peu près la seule chose qui pouvait rassurer son manager argentin. A moins…
A moins que Martino ne se soit assis devant sa télévision pour assister au quart de finale de FA Cup Manchester City-Wigan, auquel cas il aura pu remplir un carnet de notes sur l’art et la manière de faire déjouer l’équipe de Manuel Pellegrini. J’espère que ç’aura été votre cas, au passage, car le spectacle en valait la peine. Etonnant comme, cette saison, tant des rencontres dont on se souviendra en Angleterre se sont jouées en FA Cup ou en Coupe de la League; celle-ci fut magnifique, comme la finale de la Capital One Cup entre City et Sunderland l’avait été le week-end précédent. Cette fois-là, les éclairs d’individualités nommées Yaya Touré et Samir Nasri avaient fait la différence. Pas dimanche. A la différence de Sunderland, Wigan a su marquer le but du 2-0, le but du break. Et, surtout, Uwe Rösler a gagné la bataille des tacticiens contre Manuel Pellegrini, plus largement que ne l’indique le score final de 2-1.
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Manchester City's Vincent Kompany is looking forward to the match against Barcelona

Crédit: PA Sport

Rösler, comme Robert

Nous avions face à face un club qui dispose de ressources – il n’est pas question de revenus ici, mais bien de ressources – que seul le PSG peut égaler, bâti, plutôt bien d’ailleurs, à coup de centaines de millions par la famille régnante d’Abou Dhabi, et un autre soutenu à bout de bras par l’un des derniers de ces propriétaires qu’on n’ose plus dire "traditionnels" du football anglais, Dave Whelan, 77 ans. Un club qui vise la suprématie mondiale face à un autre qui vient de descendre en D2. Sur le terrain du premier. Oui, le Championship anglais compte au moins une demi-douzaine d’équipes qui auraient leur place dans l’élite des quatre autres grands championnats européens. Wigan en fournit la preuve, d’ailleurs, Wigan qui recueillit davantage de points que Bordeaux dans sa poule de Ligue Europa. De là à s’imposer sur les terres du seul club qu’on pense encore capable de faire échec à Chelsea en championnat…
Dimanche, Pellegrini fut en partie l’artisan de sa chute, en choisissant de laisser au repos quatre de ses titulaires habituels en vue du choc de mercredi contre le Barça, dans lequel beaucoup, dont je suis, pensent que les Citizens peuvent renverser la vapeur. Pas de Hart, de Zabaleta, de Kompany ou de Silva dans son onze de départ. Je serais tenté d’ajouter : et pas de Kolarov, vu la culpabilité de Gaël Clichy sur le second but des Latics. Cela dit, cette équipe A’, exclusivement composée d’internationaux, aurait dû avoir les moyens de dominer le septième de D2 devant son public. Or, mise à part une dernière demi-heure de jeu pendant laquelle la surface de Wigan s’était transformée en Fort Alamo avec Emmerson Boyce dans la peau de Davy Crockett, City n’avait pas dominé. City avait subi, et le mérite en revient à Uwe Rösler, l’ancienne légende de Maine Road, qui avait déjà fait un excellent travail dans plusieurs clubs norvégiens (Lillestroem, Viking, Molde) et à Brentford avant de prendre la succession d’Owen Coyle au DW Stadium en décembre dernier. Car on peut "subir" en ayant de meilleures statistiques de possession du ballon, comme beaucoup d’adversaires de Liverpool en ont fait l’expérience cette saison, quand le jeu continue d’être dicté par celui qui n’a pas ce ballon.
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Manchester City manager Manuel Pellegrini (left) and Wigan Athletic manager Uwe Rosler shake hands after the game (PA Photos)

Crédit: PA Sport

La première des qualités de Rösler fut de se souvenir de ce qui s’était passé lorsque le Wigan d’un Roberto - Martinez - avait rencontré le City d’un autre - Mancini - l’an dernier. Il ne cacha pas, d’ailleurs, qu’il avait puisé son inspiration dans les choix de son prédécesseur. "J’ai étudié la mise en place tactique de Roberto à Wembley la saison passée", dit Rösler. "Il avait appliqué un plan de jeu très courageux. J’ai aussi regardé le match de championnat à l’Etihad, dans lequel l’équipe de Roberto [qui avait perdu 1-0] avait joué certaines périodes à la perfection". A Villarreal, à Malaga, à City, Pellegrini ne s'est quasiment jamais déparé d’un schéma en 4-2-2-2 qu’on rencontre fréquemment dans le football sud-américain, mais plus qu’inhabituel en Angleterre. Pour le contrer, Rösler choisit de déployer trois défenseurs centraux - pour la première fois de la saison - et deux wing-backs, un choix tout à fait logique face à un City qui évolue avec deux véritables attaquants de pointe, et dont le jeu sur les côtés est avant tout la responsabilité des latéraux. En phase défensive, Wigan se retrouvait donc à trois contre deux dans l’axe; en faisant lui aussi jouer deux attaquants de pointe (Marc-Antoine Fortuné, dans l’axe, et Conor McManaman, dans un rôle inédit d’ailier avancé), lesquels ne se repliaient pas en deçà de la ligne médiane, Rösler forçait Richards et Clichy à ne pas s’aventurer trop haut dans leurs couloirs: le feraient-ils que Demichelis et Lescott se retrouveraient en deux-contre-deux, sans couverture de leurs full-backs. Attention aux contres !
Un tel système, séduisant sur le papier, ne pouvait s’avérer victorieux que si Wigan pressait haut, avec la densité physique qui s’imposait. Et c’est là où on a senti la ‘patte’ de Rösler, qui n’a pas attendu que Ralf Rangnick et Jurgen Klopp inventent le terme gegenpressing pour le faire adopter à ses équipes, et dont l’une des plus grandes qualités, en tant qu’avant-centre, était son désir de gêner la relance des défenses adverses en harcelant le porteur du ballon dans ses trente mètres. Wigan appliqua ce plan à la lettre, avec une discipline qui faisait honneur à ses joueurs comme à leur manager. Ce n’est que lorsque les jambes se firent plus lourdes et que Pellegrini réagit enfin, par un triple remplacement à la 53e minute, que City porta enfin vraiment le danger sur le but de Scott Carson. Trop tard.

Le Barça osera-t-il ?

Vincent Kompany, demeuré sur le banc, commenta ensuite que "si des leçons devaient être apprises, c’était que tout était possible en football" et que "ce n’était pas sans importance au vu de la tâche à venir". Il ne fait aucun doute que City, blessé dans son amour-propre, sera plus remonté que jamais au Camp Nou. Qu’ils marquent le premier but, Dieu sait seul ce qu’il pourrait advenir. Mais Martino lui aussi a des leçons à retenir. City n’a pas d’autre choix que d’emballer la rencontre. Pellegrini, sauf énorme surprise, alignera deux hommes en pointe, comme il n’avait pas eu le courage de le faire lors du match aller. On imagine mal le Barça adopter à nouveau la défense à trois que Pep Guardiola avait mise au goût du jour en 2011/2012, encore que, vu le gabarit des défenseurs centraux dont dispose Martino, l’idée ne serait pas si sotte que cela pour défendre un avantage de deux buts face à une attaque que Sergio Agüero a réintégrée. Wigan, le petit Wigan, a montré comment contrer un City qu’on sent fragile depuis sa défaite 0-1 contre Chelsea le 3 février dernier. Et voilà qu’incroyablement, on se pose la question: le Barça sera-t-il capable de l’imiter?
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