Alizé Lim sur Rafael Nadal avant son retour : "Il ne donne pas l'impression d'avoir été longtemps éloigné du tennis"

Alizé Lim : Je l'ai trouvé extrêmement détendu, dans un bon état d'esprit et très souriant. Même s'il m'a aussi donné l'impression qu'il ne savait pas vraiment où il allait, mais qu'il se laissait porter par ce qui allait se passer, en se concentrant uniquement sur ce qu'il pouvait contrôler.

Il y a un vrai paradoxe pour lui. Il est un énorme champion, sa vie a forcément été extrêmement réglée et là, il est dans le flou total. Pourtant, on a l'impression que ça ne l'affecte pas. Peut-être est-ce parce qu'il vient de passer un an avec sa famille. Il est extrêmement détendu.

A. L. : Il ne donne pas l'impression d'avoir été longtemps éloigné du tennis. Il a été éloigné de la compétition, du fait de pouvoir jouer à fond. Mais il a vraiment l'air d'avoir gardé en ligne de mire la possibilité de reprendre sa raquette et de rejouer. Rafa a beaucoup de recul sur ses blessures, comme si ce n'était pas quelque chose de triste ou de pesant. Il gère cela parfaitement et à un moment, j'ai fini par lui dire : "Allez, on change de sujet parce que sinon, on va ne parler que du fait d'être vieux et d'être blessé !" Il a beaucoup d'autodérision par rapport à cela.

A. Z. : Je pense qu'il n'y a pas de règle. Chacun le gère différemment. Pour lui, tout cela est très naturel. Il est positif, très content de rejouer. Et c'est tout ce qui compte. Dans son discours, il dit : "Je n'attends rien de moi, il va se passer ce qui va se passer, ça va être dur et c'est ainsi." Il est dans une totale acceptation. Je pense que c'est ce qui fait sa si particulière mentalité de champion. Alors que celle que l'on pourrait imaginer d'un joueur de son calibre consisterait plutôt à dire : "Je vais revenir et je vais aller chercher un Grand Chelem." Mais avec Rafa, c'est différent.

A. Z. : Ce n'est pas un discours fabriqué parce qu'il a toujours été comme ça. Par exemple, on a aussi discuté de l'ensemble de sa carrière et de sa manière d'aborder les Grands Chelems. Il disait : "Quand j'étais petit, je me suis jamais dit que je voulais gagner un Grand Chelem ou que je voulais être le meilleur. Je pensais simplement au tournoi de la semaine suivante". Il est dans le moment présent et c'est précisément ce qui fait sa force. Il a de l'ambition et en aura toujours. Mais je pense qu'il est vraiment sincère quand il affirme qu'il a été surpris à chaque fois qu'il a remporté un grand tournoi.

A. Z. : Ce qui est certain, c'est qu'à leur place, je regarderais tout ! Rafa met une intensité phénoménale à l'entraînement. C'est quelque chose qu'on ne peut presque pas soupçonner avant de l'avoir vu de ses propres yeux. C'est encore différent des matches. Il frappe encore plus fort à l'entraînement. C'est là où il est très différent de Roger, d'ailleurs. Roger était détendu, il travaillait son toucher. Rafael, il est bien au-delà des 100% sur chaque balle. C'est quelque chose qui doit t'étouffer mentalement quand tu es en face de lui. Et qui doit t'inspirer quand tu rentres chez toi le soir en pensant à ta propre carrière.

Et puis il y a sa classe en tant que personne. Sa simplicité montre qu'on n'a pas besoin de se prendre pour quelqu'un d'autre pour être un grand champion. Et ça, c'est hyper inspirant pour tous les joueurs qui vont passer des semaines d'entraînement avec lui.

A. Z. : Comme le reste du monde, je suis heureuse de le voir rejouer. En termes de niveau de jeu, c'est difficile à dire. Comme tout le monde, j'ai juste vu des vidéos sur internet. J'ai l'impression qu'il tape très bien la balle. Je pense que s'il a annoncé son retour aussi vite par rapport au moment où il a repris l'entraînement, c'est qu'il se sent très bien. Il va certainement souffrir, mais il va s'en sortir. Ça va aussi dépendre du tableau, parce qu'il ne va plus être protégé par son classement, donc il peut avoir des tours très difficiles au premier tour. Mais s'il ne se blesse pas, je ne suis pas du tout inquiète.

A. Z. : Ce que l'on retrouvera tout de suite, c'est sa mentalité, sa combativité. Ce qui peut clocher ? Il y a les pièges évidents : trouver sa longueur de balle, la fluidité dans les points. Et puis, bien sûr, il y a la réaction du corps. Faire des sets d'entraînement, ce n'est jamais comparable à un vrai match en termes de courbatures. Et quand on n'a plus cette jauge de confiance qui se remplit avec l'enchaînement des victoires, ça joue aussi. Donc il va devoir la reconstruire petit à petit.