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2009, les Galactiques II : "Opération Benzema", quand Guardiola a voulu tout faire capoter

Cyril Morin

Mis à jour 05/07/2019 à 14:01 GMT+2

Hazard, Jovic, Mendy, Militao avant Pogba ou Mbappé ? Cet été, le Real Madrid est le grand animateur du mercato. Il y a dix ans, en 2009, la Casa Blanca avait déjà sorti la planche à billets pour remettre le plus grand club du monde sur le devant de la scène. Retour en cinq volets sur le mercato le plus marquant de l’histoire du Real Madrid. Cinquième et dernier épisode.

Karim Benzema, dernière arme du mercato XXL du Real en 2009

Crédit: Eurosport

Il paraît que l’amour dure trois ans. Que les histoires modernes sont destinées à ne franchir ce cap qu’exceptionnellement. Surtout en présence d’amoureux capricieux, enclins à céder à la première tentation venue. En 2019, Karim Benzema et le Real Madrid ont fêté leurs noces d’étain dans un monde footballistique où le mot fidélité a perdu de sa superbe. Dix ans d’un mariage qui aura connu quelques bas pour beaucoup de hauts. Mais surtout beaucoup de titres.
KB9 au Real, c’est d’abord ça : le plus beau palmarès d’un Français en club. Dix-sept trophées glanés, dont quatre Ligues des champions, record pour un Tricolore. C’est aussi et surtout ça : une place de titulaire quasiment continue à la pointe de l’attaque du plus grand club du monde. Sans être un monstre statistique. Mais bel et bien un attaquant prodige.
Prodige, c’est probablement le mot qui correspond le mieux au natif de Bron en cette année 2009. 21 ans et l’Europe à ses pieds. La situation du jeune Benzema en cet été brûlant est finalement simple : il peut choisir où il veut aller. Un luxe qu’il s’est octroyé par ses performances XXL sous le maillot lyonnais, notamment en Ligue des champions. Assez rapidement, la tendance Real Madrid se dessine de manière concrète. Le mariage peut avoir lieu. Heureusement que Pep Guardiola s’est finalement tu à jamais dans ce dossier…
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Karim Benzema pose avec les trophées du Real Madrid lors de sa présentation en 2009

Crédit: Getty Images

"Le nouveau Ronaldo"

Flashback. Saison 2007-2008. Après des débuts sous la liquette lyonnaise en 2005, Benzema grandit progressivement pendant deux ans au sein de l’effectif rhodanien de Gérard Houllier au milieu des Juninho, Fred, John Carew, Sylvain Wiltord ou Sidney Govou. Mais c’est une crise de croissance qui attend le gamin aux pieds d’or. Alors qu’il vient de prolonger avec l’OL jusqu’en 2012, le numéro 10 lyonnais, déjà international, passe un cap. Un vrai. Vingt pions en L1, le tout agrémenté de dix passes décisives. Le tout à 20 ans.
Mais plus que l’Hexagone, c’est l’Europe qui va tomber sous le charme de cet élégant attaquant. En Ligue des champions, son doublé face aux Glasgow Rangers en phase de poules permet à la troupe d’Alain Perrin d’arracher sa qualification en 8e de finale. Face à Manchester United. Celui de Sir Alex Ferguson, formidable machine à gagner et à paralyser de peur.
Pas Benzema. Parce qu’il est d’une autre trempe, le gamin se magnifie et met au supplice une défense mancunienne scotchée par les arabesques du jeune prodige. Avec, cerise sur un gâteau déjà très copieux, un but du gauche à l’aller après un enchaînement de classe. Cristiano Ronaldo douche les espoirs lyonnais au retour mais peu importe. Benzema a séduit le monde. Et jouera bientôt aux côtés de son bourreau.
L’Europe s’affole et l’Espagne suit la cadence. Dès octobre 2007, les premiers articles de presse évoquent un gamin surdoué déjà convoité de toutes parts. Avec la même comparaison systématique : "le nouveau Ronaldo". Comprenez ici le Brésilien, le "vrai", le plus grand numéro 9 de tous les temps. Les parallèles sont tentants et même entretenus involontairement par le jeune homme qui clame son amour du génie brésilien.
"C'est le meilleur de toute l'histoire du football. Pour moi c'est un gars qui a toutes les qualités qu'un joueur rêve d'avoir", glisse-t-il en interview quand il est interrogé sur le sujet. Un génie passé par le Real, évidemment, figure de proue du premier projet galactique. Mais également passé par l’ennemi intime, le Barça.

Malgré Ferguson, un Clasico se dessine

L’évidence s’impose rapidement à Jean-Michel Aulas et Bernard Lacombe, très proche du jeune Karim à ses débuts : l’OL va devenir trop petit pour lui. Dès 2007, le joueur l’explique publiquement, sans détour : "J’aime le fait que le Real Madrid, le Barça ou le Milan s’intéressent à moi. Ce sont des clubs qui feraient rêver n’importe quel joueur mais je suis à Lyon et j’ai un contrat. On verra ça plus tard". A peine deux ans.
Au sortir de sa saison révélation, Benzema et l’OL décident de repartir sur une saison ensemble. La dernière évidemment. Après un Euro 2008 décevant où son comportement sera pointé du doigt par certains cadres tricolores, c’est une saison entière que le Lyonnais va passer dans les colonnes transferts. Son année est moins belle statistiquement parlant ? Peu importe, tout le monde continue de se l’arracher.
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Un prodige convoité de toutes parts : Karim Benzema sous le maillot lyonnais... Plus pour très longtemps

Crédit: Getty Images

Sir Alex Ferguson bien sûr, bluffé par sa performance en C1. Mais c’est surtout un Clasico qui se dessine. Car si Madrid est évidemment l’une des destinations citées, le Barça est plus que jamais chaud sur le dossier. Avec un homme en tête : Pep Guardiola.
Faut-il rappeler l’histoire ? Celle d’un joueur mythique de la Dream Team de Johan Cruyff qui a décidé de prêcher la bonne parole du Néerlandais et de l’appliquer, dès sa première année en tant que manager, au Barça. Non sans heurts. Dès son arrivée à l’été 2008, Ronaldinho et Deco sont gentiment mais fermement poussés vers la sortie. Samuel Eto’o aussi doit subir le même destin.
L’idée du mastermind catalan est simple : trouver un avant-centre qui s’intégrerait à merveille dans son dispositif tactique destiné à mettre Lionel Messi dans les meilleures dispositions. Un attaquant moins tueur mais tourné vers les autres, avec des facilités techniques réelles. Pas compliqué de deviner vers qui son regard se tourne instantanément.
On peut le comparer au Thierry Henry d’Arsenal
Cela tombe bien, en cette saison 2008-2009, comme Ferguson avant lui, Guardiola va pouvoir voir de ses yeux le phénomène à l’œuvre lors d’un 8e de finale de Ligue des champions entre le Barça et l’OL. Après un match aller marqué par la fulgurance de Juninho sur un coup franc excentré (1-1), c’est méfiant que Pep attend les Rhodaniens au retour. Surtout vis-à-vis d’un Benzema qu’il n’hésite pas à dessiner comme l’attaquant idéal.
"C’est un jeune tellement talentueux, glisse-t-il en conférence de presse avant le match retour. On peut le comparer au Thierry Henry d’Arsenal : très rapide en contre-attaque, très habile dans les petits espaces et capable d’évoluer sur un côté". Le portrait-robot de ce que cherche le Catalan pour les siens. Alors, serait-il prêt à dégainer les cent millions d’euros réclamés à l’époque par Jean-Michel Aulas pour son joyau ? C’est par une boutade que le Catalan s’en sort : "Cent millions, ce n’est pas cher", lance-t-il dans un sourire. Non, Guardiola ne mettra pas autant sur la table. Mais oui, Benzema est son grand plan secret.
"Prioridad Benzema", la Une de Sport le 10 mai 2008
Une "opération Benzema" qu’il a déjà pensée et surtout qu’il a déjà avancée l’année précédente. Grâce à Txiki Begiristain, l’homme fort du recrutement barcelonais et secrétaire technique du club catalan. À l’été 2008, c’est lui qui est envoyé en émissaire du côté de Lyon pour nouer les premiers contacts. Ce qu’il en ressort ne joue pas en la faveur de Benzema. Si le joueur n’est pas remis en cause, le jeune homme, déjà, ne fait pas l’unanimité. Son attitude lors de la rencontre et son entourage sont jugés négativement par le bras droit de Guardiola.

Zidane et Perez vont tout changer

Mais les grands attaquants ne courent pas les rues. Guardiola le sait, Txiki Begiristain aussi. Malgré cette première rencontre fraîche, le second continue de militer pour la venue du jeune Français à l’été 2009 alors que Samuel Eto’o ne sera pas reconduit une année de plus. Le coach catalan lui pense davantage à David Villa. L’idée de voir Benzema au Barça a fait long feu. Car en 2009, Zinedine Zidane va tout changer. Déjà.
A mesure que la piste Barça se refroidit, le club catalan se dirigeant finalement vers un incroyable échange Eto’o-Zlatan Ibrahimovic plus 50 millions d’euros, Zidane s’efforce de rendre brûlante celle menant à la capitale espagnole. Au point d’envoyer Florentino Pérez dans la capitale des Gaules, histoire de rattraper le retard pris dans le dossier. Le nouveau président merengue, francophone, rencontre la famille du joueur et joue la carte sentimentale. Jouer dans l’ancien club de Ronaldo, avec un Zidane destiné à devenir son mentor, ça n'a pas de prix. Le tout pour mener la pointe de l'attaque galactique madrilène. Sacrément alléchant.
La suite, c’est Benzema qui l’explique : "J’aurais pu signer à Manchester United, au Barça, à l’Inter ou au Milan mais le Real, c’est unique, détaille-t-il lors de sa conférence de presse de présentation. Tout le monde rêve de jouer ici. Le président est venu à la maison à Bron, ça a été primordial. Il m’a parlé en français, m’a fait comprendre qu’il me voulait vraiment. Je ne pouvais partir que pour venir ici. C’était mon rêve".
Le charme du boss madrilène a frappé. Encore et toujours. Le 1er juillet, l’OL accepte l’offre du Real Madrid à hauteur de 35 millions d’euros et six de bonus. Jean-Michel Aulas insiste sur l’aspect sentimental de ce transfert pour justifier un prix presque amical au regard du bijou qu’il détient. Le soir même, c’est une horde de 15 000 socios qui le regardent sur la pelouse de Santiago-Bernabéu, tout sourire, se déhancher au son de… "Aïcha".
A ses côtés, Pérez aussi a la mine des bons jours. Pour accompagner son nouveau casting Galactique, il a mis la main sur l’une des plus grosses promesses du monde du football. Dix ans après, aux côtés des icônes Marcelo et Sergio Ramos, KB9 est le dernier survivant d’un mercato madrilène qui a changé à jamais le destin d’un club en perte de vitesse. Dix ans après, le Real est repassé au sommet, notamment grâce à sa doublette Benzema-Cristiano Ronaldo. Grâce aussi à un Zinédine Zidane revenu au bon moment dans la Casa Blanca. Dix ans après, un cycle a été tourné. Mais une chose reste encore vraie en 2019 : pour les mercatos les plus fous, il suffit de regarder du côté de Madrid. Car tant que Pérez sera là, les révolutions n’ont pas fini de se succéder au Bernabéu.
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Zinédine Zidane et Florentino Pérez

Crédit: Getty Images

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