Un an après son coup de force à Wimbledon, Giovanni Mpetshi Perricard veut retrouver la lumière à Londres

Un an après son tour de force à Wimbledon, où il s'était qualifié pour les huitièmes de finale en 2024 en qualité de lucky-loser, Giovanni Mpetshi Perricard a le redoutable honneur d'y défier Taylor Fritz ce lundi. Alors qu'il traverse cette saison une petite crise de croissance, le bon air de Londres peut-il lui permettre de retrouver son état de "grass" de la saison dernière ?

Giovanni Mpetshi-Perricard

Crédit: Getty Images

Il faut d'abord rappeler une chose : ce qu'a fait Giovanni Mpetshi Perricard en 2024 n'est pas quelque chose de normal. On ne débute pas une saison en étant au-delà du top 200 pour la finir à proximité du top 30, en remportant au passage ses deux premiers titres sur le circuit principal (un 250 à Lyon, un 500 à Bâle), en atteignant la deuxième semaine d'un Grand Chelem (Wimbledon) dont on avait été éliminé en qualifications, le tout à 21 ans et avec un gabarit (2,03 m, plus de 100 kilos) ainsi qu'un style de jeu hors normes. Cela n'existe pas, normalement. La trajectoire de Giovanni, ce "drôle d'oiseau" comme l'a un jour affectueusement surnommé son coach Emmanuel Planque, est unique en son genre.
Mais après cette vertigineuse sortie de nid, le "drôle d'oiseau", qui défie le numéro 5 mondial et tout frais vainqueur d'Eastbourne Taylor Fritz ce lundi au premier tour de Wimbledon, a aujourd'hui un peu de mal à stabiliser son (en)vol. L'année 2025, qui lui promettait les plus hauts cieux, avait bien débuté avec une demi-finale à Brisbane suivie d'un "dépucelage" réussi en Coupe Davis face au Brésil. Sauf que depuis, l'immense serveur tricolore n'a plus réussi à aligner deux victoires d'affilée sur le circuit principal, enchaînant même six défaites consécutives entre la fin du premier trimestre et le début de la saison sur terre battue.
Et alors qu'il semblait courir au crash, dixit ses propres mots à Madrid, il a brusquement repris de l'altitude en remportant le Challenger de Bordeaux au mois de mai, sans jamais réussir derrière à maintenir les gaz y compris en ce début de saison sur gazon, a priori une surface très favorable à son jeu : battu au deuxième tour à Stuttgart (par Felix Auger-Aliassime) puis d'entrée au Queen's (Brandon Nakashima), "GMP" a déclaré forfait la semaine dernière à Eastbourne, officiellement en raison d'une blessure à la hanche gauche qu'on n'espère pas trop grave...

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Giovanni Mpetshi Perricard.

Crédit: Getty Images

Vous avez dit dur à suivre ? Oui, Giovanni Mpetshi Perricard est un drôle d'Ovni. À mi-chemin entre l'avion de chasse futuriste, bardé d'armes hyper-puissantes, et le "coucou" à peine sorti du hangar, aux ailes encore un peu brinquebalantes. Si le Lyonnais, depuis son plus jeune âge, a toujours fait partie du haut du panier, son ascension vers les sommets du tennis mondial semble vouée à être plus sinusoïdale, tantôt boostée par les vents porteurs, tantôt plombée par les vents mauvais. À la limite, la petite crise de croissance qu'il traverse cette saison serait presque le plus normal de l'histoire, non ?
Il n'y a plus l'effet "waouh", tout le monde a analysé son jeu. On peut avoir l'impression qu'il servait mieux l'an dernier, mais ce sont peut-être ses adversaires qui le retournaient moins bien.
"Normal, je ne dirais tout de même pas ça. Quand on compare les résultats qui sont les siens depuis quelque temps avec le niveau de jeu qu'il est capable d'afficher, on ne peut pas nier qu'il est dans une mauvaise passe, estime Nicolas Escudé, qui le connaît très bien puisqu'il était DTN lorsque le joueur est passé pro en 2021. Après, c'est forcément une saison compliquée pour lui. Il découvre énormément de choses, de nouveaux tournois, de nouvelles attentes, face à des adversaires qui désormais le connaissent. Il n'y a plus l'effet "waouh", tout le monde a analysé son jeu, ses zones préférentielles au service, etc. On peut avoir l'impression qu'il servait mieux l'an dernier, mais ce sont peut-être plutôt ses adversaires qui le retournaient moins bien. Malgré tout, quand on regarde ses derniers matches, il y en a beaucoup qu'il a perdus alors qu'il aurait dû les gagner…"
À commencer par le dernier en date, face à Brandon Nakashima, perdu 6/4 au troisième set après avoir manqué trois cruciales balles de 4-2 dans cette dernière manche. Ou, un peu plus loin, ce deuxième tour de Roland-Garros face à Damir Dzumhur, un duel dont il a subitement perdu le fil alors qu'il semblait pouvoir le renverser lorsque le Bosnien s'est tordu le genou.
Vous nous direz, c'est le lot habituel des grands serveurs : par définition pauvres en breaks, leurs matches se décident souvent sur quelques points qu'il ne faudrait surtout pas confondre avec un tirage à pile ou face. Précisément parce que ces moments-clés ne basculent pas dans un sens ou un autre par le plus grand des hasards, mais en fonction de ce fameux état de confiance et de sérénité qui, actuellement, fait défaut à "Gio".
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"Dingue", "Incroyable", "danger" : Le service de Mpetshi Perricard vu par ses adversaires

Video credit: Eurosport

"La confiance est évidemment toujours importante quand on joue au tennis mais elle l'est encore plus quand on a un jeu à risques comme le sien, poursuit Nicolas Escudé. Quand on a un tennis de contreur, il n'y a pas à tergiverser. Chez Giovanni, tout se joue au millimètre. Quand on voit les prises de décisions qui doivent être les siennes dans des moments importants, il faut avoir beaucoup de sang-froid. Avec sa puissance et ses bras de levier, la moindre hésitation se paie cher et la balle peut partir loin des limites. Ce manque de confiance est perceptible chez lui actuellement, notamment sur ses points forts comme la deuxième balle de service."
La deuxième balle de service, c'est sur ce point que le Français avait particulièrement détonné lors de sa fracassante fin de saison 2024. À Bâle, où il n'avait pas concédé une seule fois son engagement de la semaine, il avait affolé les compteurs en finale, face à Ben Shelton, avec une vitesse moyenne de 213 km/h (!), pour seulement deux petites doubles fautes et 72% de points gagnés derrière cette deuxième. Le Lyonnais, à l'époque, avait parfaitement expliqué la vision de son jeu, pas loin d'être révolutionnaire : statistiquement, il a plus de chances de gagner le point en tentant le K. O. sur chaque deuxième balle, quitte à risquer la double, plutôt que d'assurer et d'engager l'échange.
Une stratégie simple, limpide et parfaitement intelligible. Mais une stratégie, encore une fois, très dépendante de son état de confiance. Si, statistiques à l'appui, la qualité de son service n'a pas drastiquement baissé cette saison, il y a eu tout de même plusieurs matches récents où "GMP" a chuté nettement en dessous des 50% de points gagnés derrière sa seconde, une barrière qui est pour lui quasiment synonyme de défaite. Dont deux fois contre Felix Auger-Aliassime, sur la terre battue de Hambourg (43%), ce qui peut se concevoir, puis sur le gazon de Stuttgart (35%), ce qui est beaucoup plus problématique, surtout face au Canadien qui ne passe pas pour le meilleur relanceur du circuit.
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Giovanni Mpetshi Perricard à Roland-Garros, le 25 mai 2025.

Crédit: Getty Images

Il ne faut surtout pas qu'il perde ce côté extrêmement agressif, limite un peu fou-fou.
Est-ce à dire que le jeune Français s'est enferré dans un profil de "serve bot" un peu trop extrême dont il devrait lisser quelque peu les alentours pour revenir à des schémas plus classiques ? Peut-être que l'idée l'aurait séduit à une époque, lui le fan de Rafael Nadal qui s'imaginait bien plus, dans sa jeunesse, en puncheur de fond de court qu'en sniper méthodique, dont la mission première est précisément de couper court aux échanges et d'annihiler toute forme d'embrasement du match. Mais s'éloigner d'une identité de jeu, a fortiori aussi fortement ancrée et qui a déjà largement commencé à faire ses preuves, ne semble jamais être une bonne idée.
"Pour moi, il ne faut surtout pas qu'il perde ce côté extrêmement agressif, limite un peu fou-fou, estime Nicolas Escudé. Et puis, qu'il continue dans la voie qui est la sienne n'empêche en rien de stabiliser certains paramètres de son jeu. En priorité, il doit progresser au niveau du retour car il a un gros déficit à ce niveau-là. Il doit aussi s'améliorer en fond de court côté revers, devenir plus solide, peaufiner son slice pour emmener plus de variations. Il a énormément d'axes de progression dans bon nombre de secteurs."
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2m03 et plus de 100 kg : l'atypique et rarissime Mpetshi Perricard

Video credit: Eurosport

Ce qui, en soi, est une excellente nouvelle. Mais en attendant l'avancée du chantier, Mpetshi Perricard semble pour l'heure cantonné au rôle de joueur de "coups", au gré des oscillations de sa confiance. Laquelle, avec un "oiseau" pareil, peut revenir aussi vite qu'elle s'est envolée. "Il suffit d'un déclencheur, d'un tirage favorable (NDLR : raté pour cette fois), d'un match un peu accroché qui tourne enfin dans le bon sens, et tout peut repartir très vite, conclut l'ancien vainqueur de la Coupe Davis. Derrière, avec le potentiel qu'il a, ça peut l'emmener très loin. Franchement, si on le retrouve en quart de finale à Wimbledon, cela ne me choquerait absolument pas."
Propos tenus avant, évidemment, de connaître le résultat du tirage au sort londonien qui l'opposera donc ce lundi soir (court n°2, quatrième rotation) à Taylor Fritz. Si le numéro 5 mondial a déclaré craindre tout particulièrement ce match piège par excellence - et comme on le comprend -, le plus mal verni des deux reste tout de même le double mètre tricolore, qui aurait probablement espéré une entrée en matière un peu moins abrupte pour retrouver ce déclic tant attendu. Quoi qu'au moins, cette fois, personne ne l'attendra au tournant, et cela fait longtemps qu'il n'a pas été cette situation. C'était il y a un an, finalement. Et on a vu ce que cela avait donné...
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