Euro féminin 2022 - France - Pays-Bas : Face aux Oranje, briser l'étrange mécanique

Les Bleues ont-elles prêtées attention aux panneaux qui bordent la route les reliant de leur forteresse de tranquillité d'Ashby-de-la-Zouch au stade de tous les dangers à Rotherham ? Les plus attentives auront peut-être remarqué cette indication de la forêt de Sherwood, celle-là même où Robin des Bois a fait de la justice une vertu cardinale. Prendre aux riches pour donner aux pauvres. Samedi, au New York Stadium, les fortunées seront néerlandaises avec cette couronne continentale de 2017 encore sur leurs têtes pour quelques jours. Dans ce domaine, les Tricolores continuent de crier famine.

Voilà dix ans que la demi-finale des JO de Londres avait semé des promesses et des engagements. Ces Bleues, en pleine croissance, allaient finir par dominer l'Europe, un jour ou l'autre. Le jour est sans fin. Depuis, c'est une sempiternelle et impitoyable rengaine qui se répète : au-delà des quarts, point de Tricolores. Des générations se sont succédé, des sélectionneurs ont tenté, des joueuses ont pleuré et la France a fini par se résigner. Ces Bleues sont pauvres de titres mais riches de talents, "championnes du monde de matches amicaux", voilà pour le châtiment éternel.

Mais la fatalité est une facilité. Car ce groupe tricolore regorge de femmes qui ont refusé de subir leur destin. Il a fini par les mener ici, à Rotherham, pour un nouveau défi à l'histoire. La dernière fois que pareille occasion s'était présentée, les Bleues avaient failli dans leur mission, battues par des shérifs américaines sans pitié. Le Parc s'en souvient encore. Corinne Diacre aussi. Sans doute comme le dernier moment de normalité d'un mandat depuis très agité.

La sélectionneure française a vécu trois ans de chaos, indétectable par les statistiques mais encore bien présent dans toutes les têtes. Ses Bleues ont perdu certaines des figures les plus connues auprès du grand public mais ont-elles gagné en efficacité ? C'est tout l'enjeu de la bataille de Rotherham. Un énième échec et tout ce qu'elle a bâti, à son image, viendrait à s'écrouler. Sans avoir conquis les cœurs, elle pourrait partir avec le déshonneur.

L'honneur, justement, c'est ce qui motive sans doute Wendie Renard. Elle fut de toutes les aventures, surtout les plus douloureuses. La plus grande joueuse de l'histoire du football français, la "meilleure défenseure au monde" dixit Diacre, mérite autre chose qu'une litanie de quarts de finale au moment de revenir sur les faits d'armes de sa carrière. L'honneur, toujours, celui qui oblige les filles d'un groupe uni à avancer pour celle qui est partie, Marie-Antoinette Katoto. L'honneur, enfin, de venger les générations passées.

Pour briser ce plafond de verre qui finit par ressembler à une voûte de béton, les Bleues ne devront même pas réaliser d'exploit. Parce que ces Pays-Bas ont beau être riches de performances passées, ils entrent dans cet Euro complètement déplumés. Le Covid, les blessures : ce fut galère sur galère pour la troupe de Mark Parsons, au point que ce sont presque les Françaises qui ressemblent aux évidentes favorites.

Alors, pour éviter que l'histoire ne bégaie encore et que le destin leur échappe, toujours, les Bleues devront oublier leur passé pour enfin briller au présent. Voilà trois ans qu'elles attendent ce moment. De Paris à Rotherham, le décorum a changé, pas l'enjeu. Alors, ce samedi, face aux Oranje, il est temps de briser l'étrange mécanique.