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6-1, 6-0, 6-1 en finale, le coeur de Delpo, le retour de Djoko : Le Top 100 de l'US Open (30-21)

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 09/09/2020 à 19:58 GMT+2

US OPEN - Nous entrons parmi les trente premiers de notre classement des matches les plus marquants de l'ère Open dans le Grand Chelem américain. On y retrouve les grandes figures du tournoi, à commencer par Jimmy Connors, abondamment présent, ou Andre Agassi, pour sa toute dernière victoire. Mais aussi un miraculeux Djokovic, du Edberg-Lendl et un Pioline étincelant.

Le Top 100 de l'US Open (30-21)

Crédit: Eurosport

Dossier réalisé par Laurent Vergne, Maxime Battistella et Rémi Bourrières

30. Jimmy Connors - Adriano Panatta

Edition : 1978
Huitième de finale
Vainqueur : Jimmy Connors (Etats-Unis)
Adversaire : Adriano Panatta (Italie)
Score : 4-6, 6-4, 6-1, 1-6, 7-5
C'est peut-être le passing le plus célèbre de l’histoire de l’US Open. Si Rafael Nadal et Roger Federer peuvent se targuer d’avoir fait l’histoire de Wimbledon dans ce domaine lors d'une finale d'anthologie en 2008, Jimmy Connors avait baptisé de la plus belle des manières Flushing Meadows trente ans plus tôt face à un Adriano Panatta aussi médusé sur le coup, que magnifique sur le court dans ce huitième de finale à suspense.
Joué à Forest Hills jusqu’alors, le Majeur américain change ainsi de décor en 1978 et se dispute sur dur pour la première fois. Pas de quoi gêner "Jimbo" qui y trouve rapidement ses marques. Cette année-là, il devient le premier (et seul) joueur à avoir remporté l'US Open sur trois surfaces différentes (après le gazon de 1974 et la terre battue de 1976). Mais avant d’accomplir cet exploit, Connors a frôlé la sortie de route en début de deuxième semaine contre l’élégant vainqueur de Roland-Garros deux ans plus tôt.
L'apogée de la dramaturgie de cette partie à rebondissements, en forme de montagnes russes, intervient dans le 5e et dernier acte. Mal en point, Connors se retrouve mené 3-5. Mais jamais plus dangereux que lorsqu’il est acculé, l’Américain, tête de série numéro 2, refait son retard, pour finalement prendre l’avantage 6-5 et obtenir trois balles de match sur le service adverse à 0/40. La fin des frissons ? Pas vraiment. Héroïque, Panatta les sauve, puis en écarte une 4e, avant le point du match.
Auteur d’une belle première slicée, l’Italien la suit bien au filet puis claque une volée croisée de coup droit qui aurait sûrement été décisive contre n’importe quel autre joueur. Mais, après une course folle avec sa hargne caractéristique, Connors lâche sa deuxième main en revers (une rareté) pour exécuter un passing long de ligne qui contourne le filet. Le tout en prenant la balle quasiment derrière lui. Le public rugit de plaisir, tandis que l’Américain, intenable, saute de joie.
Panatta ne s’en relèvera pas : une double faute plus tard et les deux hommes se retrouvent au filet pour une franche accolade. "Ces quatre jeux m’ont donné un coup de fouet pour la suite du tournoi", explique Jimbo qui prendra une revanche éclatante de Wimbledon en écrasant Björn Borg en finale. C’est l’acte fondateur de l’histoire d’amour-passion entre Connors et Flushing.

29. Juan Martin Del Potro - Dominic Thiem

Edition : 2017
Huitième de finale
Vainqueur : Juan Martin Del Potro (Argentine)
Adversaire : Dominic Thiem (Autriche)
Score : 1-6, 2-6, 6-1, 7-6(1), 6-4
Un titre, une finale, et une flopée de matches mémorables. Juan Martin Del Potro est un des personnages les plus marquants et les plus attachants de l'US Open depuis une douzaine d'années. En 2017, sur un Grandstand enflammé à la lumière des projecteurs, l'Argentin a signé un de ses plus beaux succès à Flushing en battant Dominic Thiem en huitièmes de finale. Plus qu'une victoire, un vrai petit miracle.
Les deux premiers sets ne sont guère annonciateurs d'un match mémorable. L'Autrichien les remporte 6-1, 6-2. Il n'y a pas de match, à vrai dire. Malade et fiévreux, Del Potro ne voit pas le jour, commet 29 fautes directes sur ces quinze premiers jeux et il parait même au bord de l'abandon. Puis une sorte de miracle se produit. Au début du 3e set, la Tour de Tandil retrouve des couleurs et des forces. Personne ne l'a vu venir, mais il colle un 6-1 à Thiem dans ce set. Ce que tout le monde commence à voir venir en revanche, c'est le mauvais scénario qui se dessine pour l'Autrichien.
Porté par une foule quasi-unanime, Del Potro mesure les effets guérisseurs du public, comme il le dira au micro de Pam Shriver sur le court après la rencontre : "J'ai été malade ces deux derniers jours. Je suis venu pour essayer de faire ce que je pouvais. Mais quand j'ai senti tout ce monde qui m'encourageait, ma maladie s'est en allée. Chaque jeu, je me sentais un peu mieux. C'est grâce à vous !" Tout ça au rythme des "Ole, Ole Ole, Ole".
L'adrénaline aidant, l'Argentin parait effectivement plus fort à mesure que le match avance. S'il ne fallait retenir qu'un point de ce "come-back" d'enfer, ce serait la balle de 4e set : un coup droit d'une violence inouïe, même à l'échelle de Juan Martin Del Potro, ce qui en dit long. Même au ralenti, on dirait une première balle de service sortie de la raquette de John Isner.
Dans la dernière manche, Thiem ne renonce pas, s'accroche jusqu'au bout mais il flotte comme un parfum de défaite inéluctable. Une soirée cruelle pour lui, jusqu'à la conclusion : au service à 4-5, il offre la victoire à son adversaire sur une double faute.

28. Cédric Pioline - Gustavo Kuerten

Edition : 1999
Quart de finale
Vainqueur : Cédric Pioline (France)
Avdersaire : Gustavo Kuerten (Brésil)
Score : 4-6, 7-6(6), 7-6(14), 7-6(8)
C'est sous une chaleur accablante que les deux hommes pénètrent sur un court Arthur-Ashe aux deux tiers vides. Dommage, car les absents auront tort. Plus que jamais. Pendant un set et demi, Kuerten règne en maître sur le terrain. Régulier, le Brésilien, vainqueur à Roland-Garros deux ans plus tôt, s'appuie sur une première balle remarquable. En face, c'est le Pioline des mauvais jours. Lent, emprunté, il se retrouve mené 6-4, 4-1 après un peu plus d'une heure de jeu. A cet instant, rien n'indique que le match, sans rythme ni intensité, va rester dans les annales du tournoi. Mais il suffit parfois d'un rien pour que l'anodin bascule dans l'exceptionnel.
Profitant d'une baisse de régime de Guga au service, Pioline a recollé à quatre partout. Le Parisien et le Brésilien filent ensuite vers une invraisemblable série de jeux décisifs. Pioline, qui excelle dans cet exercice, gère mieux les deux ou trois points clés pour attacher la décision (8-6) et égaliser à une manche partout. Dès lors, il n'y aura presque plus que des coups gagnants jusqu'à la fin du match. Pioline efface un break en début de troisième set puis fait la course en tête. Trois quarts d'heure plus tard débute le deuxième tie-break du match. Du pur bonheur. Un moment d'anthologie. 30 points et 23 minutes de grand spectacle. Au total, l'élève de Pierre Cherret sauve six balles de set, avant de concrétiser à sa quatrième tentative, sur le 23e coup gagnant de ce tie-break.
Un seul point suffit à figer ce moment de folie. A 9-9, Kuerten prend l'échange à son compte. Chacune de ses frappes de mule devrait faire la décision, mais Pioline ramène tout. Finalement, après une vingtaine de coups de part et d'autre du filet, le Français s'arrache une dernière fois pour sortir un impossible passing de coup droit en long de ligne, tout en s'effondrant. Allongé par terre sur le dos, les bras en croix, Cédric hurle dans un mélange de joie, de douleur et de rage.
C'est l'image de sa carrière. Le point de sa vie. Kuerten est sidéré. Et sidérant. Le Brésilien, sans réfléchir, lâche sa raquette et se dirige vers son adversaire. Pioline, qui s'est relevé, ne l'a pas vu venir. Abasourdi, il ne comprend pas pourquoi Kuerten vient lui serrer la main. Croyant un instant à l'abandon de Guga, il réalise à peine que ce dernier est simplement venu le féliciter. "C'était un point fabuleux. Le plus beau du match. C'était fantastique. J'ai joué ce point à la perfection et pourtant je l'ai perdu, car Cédric l'a joué encore mieux que moi. Je devais le saluer", expliquera plus tard Kuerten, ahurissant de fair-play.
L'image fera date. Il est vrai qu'elle est tout sauf banale. Mais ce match ne l'est plus, depuis longtemps. Après un nombre incalculable de retournements de situation, le numéro un français conclut sur une ultime volée (16-14). Le quatrième set sera tout aussi somptueux. Epuisé, Pioline a l'intelligence et la lucidité de se ruer au filet à la moindre occasion pour abréger l'échange. Presque toujours à bon escient. Sur plus de 80 montées, il terminera la partie avec un pourcentage de réussite exceptionnel (79%). Pour John McEnroe, consultant pour la télévision américaine, "Pioline a réussi une des plus grandes démonstrations de l'histoire du tennis au filet". Peut-il exister plus beau compliment ?
A la nuit tombante, quatre heures après avoir débuté, le combat s'achève sur un dernier tie-break, tout aussi intense que le précédent. Tout juste un peu moins long (18 points). Le vainqueur boucle la rencontre avec 79 points gagnants, contre 61 à sa victime. 140 coups gagnants à eux deux. Et l'envie de leur dire merci, à tous les deux.

27. John McEnroe - Jimmy Connors

Edition : 1984
Demi-finale
Vainqueur : John McEnroe (Etats-Unis)
Adversaire : Jimmy Connors (Etats-Unis)
Score : 6-4, 4-6, 7-5, 4-6, 6-3
L'acte III de la journée la plus dingue de toute l'histoire de l'US Open. Le "Super Saturday", cette folie new-yorkaise qui a déjà vécu pour de bon, a longtemps constitué la marque de fabrique de Flushing. Déraisonnable mais irrésistible. Les deux demi-finales hommes et, au milieu, la finale femmes.
Lors de l'édition 1984, le "Super Saturday" atteint des sommets tennistiques et émotionnels. Dans la première demie masculine, Ivan Lendl et Pat Cash vont au bout du bout de la distance, au tie-break du 5e set. Martina Navratilova et Chris Evert livrent ensuite un bijou de match, dans une des plus grandes finales de l'histoire.
Quand John McEnroe et Jimmy Connors entrent en scène, l'orgie a déjà comblé tout le monde, mais les deux grands rivaux américains vont poser la cerise sur le gâteau en session de nuit. Mac et Jimbo. Les deux gauchers. Les deux ennemis. Si différents et tellement similaires.
C'est l'affiche rêvée. A eux deux, ils ont remporté les six dernières éditions. Trois titres chacun. Connors est double tenant du titre, mais McEnroe est au cœur d'une des plus fabuleuses saisons de l'histoire du tennis. Il est même franchement injouable. Connors en sait quelque chose. Deux mois plus tôt, McEnroe l'a humilié en finale à Wimbledon : 6-1, 6-1, 6-2.
Sauf qu'à Flushing, Jimbo n'a rien d'une victime expiatoire. "Je savais que ce ne serait pas Wimbledon", avouera McEnroe. Il va constamment faire la course en tête, mais Connors ne lâche rien, recollant à un set partout avant d'arracher une 5e manche. Dans le 3e acte, le clou du spectacle : un échange de 31 coups où Connors finit par craquer met le Louis-Armstrong dans tous ses états.
Mais la logique finit par prévaloir. Big Mac place un dernier coup de collier en tout début de 5e set pour breaker d'entrée en remportant 12 des 13 premiers points de la manche. Le vieux lion rugit une dernière fois avec une balle de débreak à 4-2 mais McEnroe ne flanche pas. Quand il boucle la balle de match, il est 23h47 à New York. Dans l'air ambiant, un parfum de nostalgie, sur cette journée qui s'achève et dont chacun a compris qu'elle n'était pas comme les autres. Sur cette rivalité, aussi. Le temps passe, et plus jamais McEnroe et Connors ne s'affronteront en Grand Chelem.

26. Stefan Edberg - Ivan Lendl

Edition : 1992
Quart de finale
Vainqueur : Stefan Edberg (Suède)
Adversaire : Ivan Lendl (Etats-Unis)
Score : 6-3, 6-3, 3-6, 5-7, 7-6 (3)
Après Richard Krajicek en huitièmes (voir la tranche 50-41), Stefan Edberg enchaîne un nouveau morceau de bravoure face à l'un de ses meilleurs ennemis, Ivan Lendl. C'est la 27e et dernière rencontre entre les deux hommes qui ont toujours connu une rivalité aussi courtoise que disputée. Ils en sont à 13-13 au moment de ce quart de finale américain qui se doit de les départager à jamais.
Le duel va être d'une beauté et d'une intensité tout à fait à la hauteur de leur légende commune. Dans un premier temps, Stefan le domine largement jusqu'à mener 6-3, 4-2, 30-0. Mais le " vieillissant " Lendl, dont l'intelligence de jeu n'a décidément jamais assez été saluée, change radicalement de tactique et se met à user d'une campagne de lobs qui déstabilise son adversaire. Le match s'équilibre. A tout le moins, il commence.
Edberg est tout proche toutefois de le conclure bien plus tôt lorsqu'il se procure, à 5-4 au 4e set, quatre balles de match, dont trois d'affilée, sur le service de son adversaire. Sur la 2e d'entre elles, il se montre étonnamment timide à la conclusion. Et ce vieux chameau d'Ivan saute bien sûr sur l'occasion pour, derrière, arracher le break puis le set, après un intermède pluvieux qui a interrompu les débats pendant plus d'une heure à 6-5.
Le 5e set débute aux environs de minuit. Il est interrompu une nouvelle fois à 2-1 (sans break), pour être cette fois reporté au lendemain. Et le lendemain, Edberg paraît moins vif. Il manque son départ et se retrouve dos au mur, mené 4-2, puis deux balles de 5-3. Mais il revient, à son tour.
L'affaire se décide donc, presque fatalement, au tie-break où le suspense se prolonge jusqu'à 3 points partout. Moment choisi par Edberg pour porter une violente accélération et s'imposer après 4h03 (effectives) d'un match sublime. Lendl ne s'en remet pas. Mais, loin d'être défait, il réserve une poignée de main chaleureuse à son vaincu. Oui, oui, chaleureuse...

25. Jimmy Connors - Ivan Lendl

Edition : 1983
Finale
Vainqueur : Jimmy Connors (Etats-Unis)
Adversaire : Ivan Lendl (Tchécoslovaquie)
Score : 6-3, 6-7, 7-5, 6-0
Cette finale de 1983 est un formidable exemple de la prégnance, au très, très haut niveau, de la dimension mentale sur tout autre facteur. Si Jimmy Connors signe sa cinquième et dernière victoire à l'US Open en 1983 (un record alors depuis la Guerre, ensuite égalé par Sampras et Federer), ce n'est pas en prenant le dessus tennistiquement sur Ivan Lendl. Dans ce registre, le Tchécoslovaque s'est plutôt montré supérieur à Connors, en tout cas dans les trois premiers sets.
Ce n'est pas non plus physiquement. Loin de là. L'Américain souffre d'une entaille à un orteil du pied droit qui le gêne dans ses déplacements. Pire, le matin de la finale, il a été pris de diarrhées. Or la chaleur écrasante (40 degrés au coup d'envoi du match) n'arrange rien. Jimbo devra d'ailleurs s'absenter quelques minutes au milieu de la finale. Connors n'avait donc pas grand-chose pour lui a priori. Sauf son colossal ascendant psychologique sur son adversaire, Ivan Lendl.

A l'US Open, notamment, où il s'est imposé un an plus tôt en 1982 lors de la même affiche en finale. Incroyablement impressionnant tout au long de la quinzaine 83, Lendl n'a pas perdu un set et n'a concédé que 44 jeux en six rencontres, soit à peine plus de sept par match. Mais une finale, pour Lendl, c'est beaucoup plus compliqué à appréhender. Surtout face à Connors. Surtout à Flushing, "Jimmys' home". Pourtant, pendant deux sets et demi, l'illusion est parfaite. Connors empoche le premier set, mais Lendl, malgré un pourcentage de première balle catastrophique, s'adjuge le deuxième au tie-break.
Il mène ensuite 5-3 dans le troisième et obtient une balle de set à 5-4 sur son service. Il la vendange sur une double faute. Connors, flairant l'odeur du sang, débreake puis s'envole. En réalité, Jimbo va remporter les dix derniers jeux du match. Comment Lendl a-t-il pu s'éteindre à ce point ? A cette époque, il reste une énigme. Son langage corporel, trop négatif dès que quelque chose ne va pas, l'a encore trahi. "Sur cette double faute sur la balle de set, j'ai vu à son visage qu'il accusait le coup et que c'était fini pour lui", triomphe Connors. Le tennis est un sport, c'est un jeu, mais c'est aussi un combat, un rapport de forces en homme à homme. Lorsqu'il y a un fort et un faible, l'aspect technique passe au second plan. Ce fut palpable dans cette finale 1983. Lendl était alors le faible. Ça n'allait pas durer.

24. Ilie Nastase - Hans-Jürgen Pohmann

Edition : 1976
2e tour
Vainqueur : Ilie Nastase (Roumanie)
Adversaire : Hans-Jürgen Pohmann (Allemagne de l'Ouest)
Score : 7-6(5), 4-6, 7-6(8)
Peut-être le match les plus controversé de l'histoire de l'US Open, qui se joue alors à Forest-Hills, sur terre battue américaine, avec une première semaine disputée en deux sets gagnants. Ilie Nastase connaît, à 30 ans, une belle résurgence. Finaliste à Wimbledon, il part largement favori de ce 2e tour face à l'Allemand de l'Ouest Hans-Jürgen Pohmann, 42e mondial. Mais, peu concentré sur son sujet, il se laisse accrocher par un adversaire dont la tête, davantage que le jeu, ne lui "revient pas".
Dans le tie-break du 1er set, qu'il remporte néanmoins, le Roumain, à la suite d'une double contestation arbitrale, s'attire en plus les foudres du public. Il s'agace, se moque de son adversaire quand celui-ci se débat avec une braguette récalcitrante. Mais rit beaucoup moins lorsque ce dernier égalise à un set partout, revient de 5-3 à 5-5 dans le 3e set, puis sauve trois balles de match à 6-5 dans un jeu qui met définitivement le feu aux poudres.
Perclus de crampes, Pohmann, s'écroule à trois reprises, à chaque fois secouru par un médecin. Nastase, alors, devient fou. Complètement fou. Sur le fond, il a raison car le règlement ne prévoit alors pas d'assistance pour les crampes. Mais sur la forme, "Nasty" dépasse les bornes, multipliant les gestes obscènes et les insultes à la terre entière, ce qui lui vaut une bronca des 12 000 spectateurs du central dont certains sont prêts à venir en découdre avec lui.
Le plus insupportable pour Nastase est que Pohmann, en plus de courir comme un lapin entre deux crises de crampes, joue les héros d'un jour, levant les bras à chaque point marqué pour embraser la foule encore un peu plus. L'affaire se conclut finalement au jeu décisif que l'ancien n°1 mondial remporte non sans avoir sauvé deux balles de match.
La suite bascule dans l'hystérie. Aussitôt après avoir conclu le match au filet, Nastase hurle sa rage et crache en direction de son adversaire, qui refuse de lui serrer la main, tout comme l'arbitre. Les deux hommes vont continuer de s'échanger des amabilités au vestiaire - "nazi !", "abruti" ! - et même quasiment des coups de poing, séparés par les forces de l'ordre qui doivent aussi intervenir dans le public où un début de bagarre générale a éclaté. A partir de ce jour, Nastase devient l'ennemi public n°1 à New York. Lors de son match suivant, il est tellement conspué à son entrée sur le court que son adversaire, l'Américain Marty Riessen, lui en fait la remarque : "On se croirait dans une arène, ils veulent tous ta mise à mort !" Mise à mort qui n'interviendra finalement qu'en demi-finale, face à Borg.
Mais ce match houleux ne restera pas sans conséquence. Outre le fait que Nastase recevra une amende salée, il posera les bases du code de conduite – avec la mise en place du système des avertissements dès 1977 – qui sera durci notamment après un autre match particulièrement houleux entre... Nastase et McEnroe en 1979. Nous allons y revenir.

23. Jimmy Connors - Ken Rosewall

Edition : 1974
Finale
Vainqueur : Jimmy Connors (Etats-Unis)
Adversaire : Ken Rosewall (Australie)
Score : 6-1, 6-0, 6-1
Ne cherchez pas. Même en remontant au XIXe siècle, vous ne trouverez pas de plus grande "dérouillée" dans une finale (masculine) de Grand Chelem. Cette année 1974 est la grande année de Jimmy Connors, qui ne perd que 6 matches et réalise le petit Chelem, alors qu'il n'avait pas encore remporté de tournoi majeur auparavant. Et encore, on peut penser qu'il aurait signé le Grand Chelem s'il n'avait été exclu de Roland-Garros en raison de sa participation aux Intervilles américains, jugées par trop néfastes au jeu par la Fédération Française de Lawn Tennis qui avait voulu frapper un grand coup.
Pour apposer à ce point sa griffe sur le circuit, Connors profite aussi d'un intermède entre l'éclosion de la génération Borg-McEnroe et l'extinction de la brillante génération australienne des sixties. Génération dont Ken Rosewall est, avec Rod Laver, le plus brillant représentant. Quand "Muscles" a disputé son premier match aux Internationaux américains en 1952, son rival du jour n'avait pas encore poussé son premier cri. Aujourd'hui, à bientôt 40 ans, il crache ses dernières flammes. Tandis que Jimbo, à tout juste 22 ans, pète le feu.
Cette finale n'est donc qu'une brutale allégorie de cette passation de pouvoir et sincèrement, en revoyant les images, il y a quelque chose de pathétique à voir l'un des plus grands champions de tous les temps se faire littéralement marcher dessus, avec plus de violence encore qu'il ne l'avait été deux mois plus tôt en finale de Wimbledon (6-1, 6-1, 6-4). Huit jeux perdus au total en deux finales majeures sur herbe, c'est un exploit en soi pour Connors qui n'a aucune pitié. "Je me suis senti ici exactement comme à Wimbledon, racontera-t-il. À partir du moment où j'ai frappé la première balle, j'ai senti que je planais. J'étais sur un nuage. C'est une sensation fantastique."
Beaucoup moins évidemment pour Rosewall, terrassé en 1h18 malgré le... soutien des 15 000 spectateurs américains qui l'acclament à chaque point marqué en fin de match. C'était sa 16e et dernière finale de Grand Chelem. Une triste fin qui n'écornera en rien sa légende, malgré tout.

22. Novak Djokovic - Roger Federer

Edition : 2011
Demi-finale
Vainqueur : Novak Djokovic (Serbie)
Adversaire : Roger Federer (Suisse)
Score : 6-7(7), 4-6, 6-3, 6-2, 7-5
L'Histoire ressemble parfois à un éternel recommencement. Comme si nous étions voués à répéter éternellement les mêmes erreurs. Parlez-en à Roger Federer et à sa gestion des fins de partie contre Novak Djokovic. A trois reprises en Grand Chelem, le Suisse s’est incliné face au Serbe en bénéficiant de deux balles de match consécutives. Et avant le traumatisme de Wimbledon 2019, c’est bien Flushing qui fut le théâtre d’un déjà-vu dont le champion suisse se serait bien passé la 10 septembre 2011.
Cette année-là, Djoko a, pour la première fois de sa carrière, imposé sa loi au circuit et à l’infernal hydre à deux têtes Fedal. Titré à Melbourne et à Wimbledon, il traverse l’Atlantique avec l’objectif affiché de parachever une saison conjuguée au presque-parfait par le premier Petit Chelem de sa carrière. Mais s’il est incontestablement le grand favori, son illustre aîné bâlois n’est pas franchement disposé à lui laisser les rênes si facilement. Déjà trois mois plus tôt, le Maestro avait pris un malin plaisir à briser la série impressionnante d’invincibilité (41 victoires consécutives depuis le début de saison) du Serbe lors d’une somptueuse demi-finale à Paris.
A New York, il adorerait jouer les récidivistes. Et d’emblée, Federer le prouve en imposant un rythme endiablé que Djokovic tient, tant bien que mal, avant de céder au tie-break 9 points à 7. Premier K.-O. technique. Sur sa lancée, le Suisse s’envole en début de deuxième set, et, même s’il cède un de ses deux services d’avance, l’essentiel est fait : le voilà avec deux manches d’avance. Avant un coup de pompe parfaitement exploité par un "Nole" retrouvé pour remettre la main sur le match. Du moins le pense-t-on...
Car il ne parvient pas à surfer sur sa dynamique dans le 5e set. Au contraire, Federer trouve un second souffle, breake et sert pour le match. Comme l’année précédente, il obtient deux balles de finale, mais cette fois sur son service à 5-3, 40/15. Les jeux semblent faits. Désabusé par la tournure des événements et par les vivats du public, le "Djoker" rit jaune. Et sur la première balle de match, il met toute sa frustration dans un retour surpuissant de coup droit croisé. Incrédule, le Suisse a à peine le temps de voir la balle lui passer sous le nez et accrocher la ligne.
Fier de son coup d’éclat, Djoko en appelle au soutien d'un public admiratif de cette frappe de balle aussi désespérée en apparence que fulgurante. De l’autre côté du filet, la mine de Federer s’assombrit : comme un boxeur sonné par un uppercut, il se raidit et expédie une attaque dans le filet sur sa seconde occasion. Il ne marquera plus un jeu. "J'ai frappé mon coup droit aussi fort que possible. C’était un pari, j’ai eu de la chance", reconnaîtra le numéro 1 mondial, non sans savourer sa folle remontée.
Passé du rêve au cauchemar en quelques minutes, le Maestro devra, lui, patienter quatre ans de plus pour rejouer une finale à Flushing face à… un Djokovic toujours aussi contrariant.

21. Andre Agassi - Marcos Baghdatis

Edition : 2006
2e tour
Vainqueur : Andre Agassi (Etats-Unis)
Adversaire : Marcos Baghdatis (Chypre)
Score : 6-4, 6-4, 3-6, 5-7, 7-5
Ce n'est qu'un deuxième tour. Mais c'est tout sauf un deuxième tour. C'est la dernière victoire d'un monument du tennis mondial et d'un des plus grands héros de Flushing Meadows. Andre Agassi, 36 ans, dispute en 2006 son 21e US Open consécutif. Le dernier, ainsi qu'il l'a annoncé. Après une victoire contre Pavel, il se voit offrir un tout autre défi contre Marcos Baghdatis.
Le Chypriote est alors dans le Top 10, et il aime les grands rendez-vous, comme l'ont prouvé sa finale en Australie et sa demi-finale à Wimbledon plus tôt dans la saison. Agassi, lui, a peu joué en 2006 (il n'a gagné que… huit matches avant l'US Open). Il ne rêve pas. Il ne se voit pas atteindre la finale, comme l'année précédente, d'autant qu'il souffre d'un début de sciatique. Il veut juste une dernière dose d'émotions fortes. Il ne va pas être déçu. Nous non plus.

Sur le premier point, le premier service de Baghdatis est dans le filet. Le public se met à applaudir et crier. Le ton est donné. L'ambiance sera électrique. "C'est ta maison Andre ici", lance un spectateur quelques instants plus tard. Baghdatis ne s'en offusque pas. "Demain soir, je serai le bad guy", s'était-il amusé la veille. Pendant deux sets, Agassi avance tranquillement (6-4, 6-4). Sachant qu'il n'a jamais perdu à l'US Open après avoir mené deux manches à rien en 58 précédents.
Quand Agassi mène 4-0 dans le quatrième set, l'affaire parait entendue. Mais le Chypriote, transcendé lui aussi par l'ambiance, se met à aligner coup gagnant sur coup gagnant, sourire aux lèvres. Il gagne le quatrième set 7-5. Le match, commencé un jeudi soir, va s'achever un vendredi matin. A la "muerte", comme on dit. Il atteint son paroxysme dans un neuvième jeu ahurissant, au cours duquel Agassi peine à se mouvoir pendant que Baghdatis, lui, s'écroule, pris par des crampes dues au stress. Dix égalités parsèment ce jeu qu'Agassi finit par remporter avant de s'imposer 7-5. Il n'a même pas la force de lever les bras. L'accolade entre les deux hommes témoigne de l'âpreté et de la beauté du combat.
On laissera la conclusion à Agassi. Ses derniers mots de vainqueur dans le monde du tennis : "Est-ce que j'aurais été déçu de perdre ? Bien sûr, mais quand ça devient surréaliste à ce point, pourquoi être déçu? Rien ne garantit ces moments. Il faut aller les chercher."
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